Chute des prix du pétrole, crise russe et modification imminente de la politique monétaire américaine font souffler un vent mauvais sur les marchés financiers mondiaux, où le leitmotiv des intervenants semble être « tous aux abris ».
Le prix du pétrole n’en finit pas de baisser à cause de la faiblesse de la demande mondiale et de l’inflexibilité des pétromonarchies du Golfe qui gardent le robinet ouvert, noyant le marché. (Photo : AFP)
Actions, obligations, changes, métaux précieux…. sur tous les continents de la planète financière, les investisseurs fuient le risque presque aussi rapidement que le rouble chute. La monnaie russe se faisait massacrer mardi, s’effondrant de près de 20% malgré une intervention musclée de la banque centrale, réveillant le vieux fantôme d’une crise des pays émergents. « Un cocktail de nouveaux et d’anciens risques mondiaux font trembler les marchés », selon les analystes de la banque allemande Berenberg.
Sur les marchés actions, les indices européens résistaient à peu près, aidés par des indicateurs macro-économiques européens plutôt favorables. Paris cédait 1,49%, Francfort 0,63% et Londres 0,26%. Mais les actions des groupes exposés à la Russie se faisaient châtier, comme la banque Société Générale (-5,34%) ou le fabricant de revêtements de sols Tarkett (-5,23%) à Paris. A Francfort, Adidas reculait de 3,37% et Metro de 4%. A Londres BP cédait 0,94% à Londres et à Amsterdam Heineken perdait 2,19%.
La vague de défiance secoue le marché de la dette souveraine obligataire, où les taux à 10 ans de plusieurs émergents – Russie, Brésil, Mexique, Turquie… – augmentaient à mesure que les investisseurs les délaissaient. La tendance était identique pour les pays européens jugés fragiles (Grèce, Portugal, Italie) tandis que la demande était forte pour les valeurs refuge comme le bund allemand, l’OAT française ou le bon du Trésor américain. Autre investissement sûr, l’or progressait légèrement à 1.215,45 dollars l’once.
> De Jakarta à Istanbul
Le brasier est alimenté par le pétrole, qui n’en finit pas de baisser à cause de la faiblesse de la demande mondiale et de l’inflexibilité des pétromonarchies du Golfe qui gardent le robinet ouvert, noyant le marché, pour tenter de conserver leur mainmise face aux autres pays producteurs qui ont un coût de revient par baril plus élevé. Le baril de Brent reculait de 3,60% à 58,86 dollars, et le WTI de 3,15% à 54,15 dollars, au plus bas depuis 5 ans.
Si la Russie est clairement la première victime de ce bain de sang, les autres pays émergents n’en sortaient pas indemnes. De Jakarta à Istanbul en passant par Dubaï, les investisseurs se repliaient. Les Bourses des pays producteurs de pétrole du Golfe dévissaient. En Turquie, où la tension politique est très vive, la livre a eu un brusque accès de faiblesse en milieu de journée et a touché un plus bas historique. La roupie indonésienne avait elle atteint lundi son plus bas niveau depuis la crise asiatique de 1998 à 12 699 pour un billet vert.
Mardi, la Banque centrale est intervenue pour enrayer la spirale et éviter une surchauffe sur le marché obligataire, a déclaré un responsable de la banque, Perry Warjiyo, selon l’agence Bloomberg. Le coup de tabac sur les émergents est aussi nourri par la politique monétaire américaine. La Réserve fédérale achève mercredi deux jours de réunion de son Comité de politique monétaire et pourrait envoyer aux marchés le signal d’une possible remontée des taux d’intérêt plus tôt que prévu. Une telle décision, destinée à accompagner la reprise économique américaine, serait de nature à entraîner un flux de capitaux hors des émergents pour être rapatriés aux États-Unis. Enfin, la production manufacturière chinoise s’est contractée en décembre, selon HSBC qui a publié son indice PMI des directeurs d’achat, à son plus bas niveau en sept mois, confirmant la détérioration de la deuxième économie mondiale. Cerise sur la gâteau, les incertitudes politiques en Grèce réveillent de vieux démons en Europe sur le front de la dette.
Les errements du pétrole affectent aussi certains pays très solides, comme la Norvège, dont la monnaie a chuté mardi pour atteindre un plus bas de 12 ans face au dollar et de six ans face à l’euro. Christopher Dembik de SaxoBanque résume : « Les Bourses sont dans le rouge et les indicateurs macroéconomiques semblent confirmer les pires scénarios. C’est certainement la première fois depuis le début de l’année que le marché est aussi peu lisible ».
AFP