Pour les frontaliers, le salaire social minimum (SSM) luxembourgeois reste toujours avantageux. Mais il ne remplit plus les critères européens et ne permet plus d’atteindre le budget de référence pour un résident.
Quand on regarde les salaires au Luxembourg, il faut se rendre à l’évidence qu’on est déjà au top! Si on veut être compétitif, cela ne facilite pas les choses et si on continue à augmenter les salaires, ce ne sera pas évident pour les petites entreprises», se plaignait il y a dix ans l’ancienne ministre chrétienne-sociale des Classes moyennes Françoise Hetto-Gaasch. Elle estimait que le salaire social minimum (SSM) était déjà grandement supérieur comparé aux pays voisins.
Il faut donc comparer ce qui est comparable et la Chambre des salariés s’y est employée cet été. Si les salaires luxembourgeois attirent toujours les frontaliers, ceux parmi les résidents qui doivent s’en contenter sont loin d’être gâtés. Depuis le 1er janvier 2021, le taux mensuel brut du SSM correspond à 2 201,93 euros ou un taux horaire de 12,73 euros. Le SSM qualifié, s’élève 2 642,32 euros, ou un taux horaire de 15,27 euros.
Il est un fait qu’au sein de l’Union européenne, le SSM est le plus élevé au Luxembourg suivi des Pays-Bas (10,34 euros), de la France (10,25 euros) et de l’Irlande (10,20 euros). Les pays de l’Est affichent les niveaux les plus faibles, allant de 5,92 euros en Slovénie jusqu’à 2 euros en Bulgarie.
Il faut cependant rapporter ce salaire à d’autres indicateurs comme le coût de la vie ou le risque de pauvreté. «Qu’est-ce qu’on peut s’acheter avec le SSM dans les pays respectifs? », voilà la question qu’il faut se poser. Et là, Le Luxembourg ne caracole plus en tête du tableau.
Ce même salaire, exprimé en standard de pouvoir d’achat (SPA) montre qu’il manque exactement 23 euros à un adulte, seul, pour couvrir ses besoins de base, malgré toutes les prestations sociales auxquelles il peut prétendre. Pour un ménage monoparental, la situation est encore plus délicate alors qu’il lui manque 144 euros à la fin du mois selon le budget de référence.
«Les salariés qui sont rémunérés au SSM peuvent seulement atteindre le budget de référence s’ils sont en couple et si tous les partenaires sont actifs à temps plein», précise la Chambre des salariés. Dans le tableau, si le classement garde le même ordre, l’écart entre le Luxembourg et les Pays-Bas, par exemple, se réduit à seulement encore 0,71 en SPA, contre un écart de 2,39 en euros. «C’est dans les pays qui ont le salaire horaire minimum légal le plus élevé qu’il diminue le plus lorsqu’il est exprimé en SPA», observe la Chambre des salariés.
La situation n’est plus du tout la même, encore, vu sous l’angle de l’indice de Kaitz qui exprime le niveau du SSM en pourcentage du salaire médian national. Dans le tableau, le Luxembourg passe en 5e position avec un SSM qui correspond à 54,5 % du salaire médian luxembourgeois. La France (61,4 %), le Portugal (61 %), la Bulgarie (60 %), la Slovénie (59,4 %) et la Roumanie (56,5 %) affichent des salaires minimums légaux relativement plus élevés.
Exprimé cette fois en pourcentage du salaire moyen, le Luxembourg perd également sa première place. Avec un SSM qui correspond à 44,3 % du salaire moyen, il est devancé par la France (49,6 %) et par la Slovénie (49 %).
Pas dans les clous
La Chambre des salariés rappelle que la Commission européenne a proposé en octobre 2020 une directive afin d’harmoniser le niveau des salaires minimums légaux à travers l’Union européenne. L’idée est de faire correspondre le SSM à la fois à 60 % du salaire médian national et à 50 % du salaire moyen national. Selon les données de l’année 2019, le Luxembourg ne remplit donc aucun de ces deux critères.
Selon la loi, le SSM doit au moins suffire à «se procurer les articles de première nécessité et le logement nécessaire au maintien d’un niveau de vie suffisant». Eu égard aux prix actuels de l’immobilier, les objectifs ne sont pas atteints. Le poids du coût moyen du loyer à taux réduit (donc hors loyers les plus élevés qu’un smicard ne peut pas se permettre de toute façon) est passé de 35,7 % en 2010 à 47 % en 2018 dans le montant brut du SSM.
La Chambre des salariés en conclut que le travail sur le budget de référence du Statec et l’évolution du coût du logement par rapport à l’évolution du SSM remettent en question la capacité du SSM d’offrir une vie décente ainsi qu’un logement adéquat.
Geneviève Montaigu