Alors que les délais de livraison à rallonge découragent les clients, les ventes de véhicules neufs au Luxembourg dégringolent : pour le secteur, les prochains mois seront décisifs.
Comme d’autres secteurs de l’économie au Luxembourg, l’automobile subit de plein fouet les conséquences en cascade de la pandémie mondiale. Après une année 2020 qui a vu les immatriculations de véhicules neufs chuter de 20% par rapport à 2019, les professionnels du secteur tirent la langue et redoutent de clôturer 2021 avec des ventes en baisse de 30 à 40%.
En cause, le ralentissement général des chaînes de production provoqué par la pénurie de semi-conducteurs, ces puces électroniques indispensables à la direction assistée, la gestion du moteur ou au contrôle de freinage.
«Aujourd’hui, les constructeurs ne sont pas capables de nous donner des dates de livraison fiables», explique Marc Devillet, vice-président de la Fédération des distributeurs automobiles et de la mobilité (Fedamo), qui précise que les délais pour un utilitaire peuvent atteindre dix mois en ce moment. Idem pour les véhicules destinés aux particuliers : «Certaines voitures parmi les plus populaires, vendues cette année à l’Autofestival, ne seront livrées qu’au moment de l’Autofestival 2022», déplore le directeur général d’Autopolis.
Quant aux véhicules en stock chez les constructeurs, ils diminuent à vitesse grand V partout en Europe et, face à la force d’achat de la France ou de l’Allemagne, le petit marché luxembourgeois ne pèse pas bien lourd : «Oui, on commande des véhicules de stock, mais on ne les reçoit pas», rapporte Marc Devillet, dépité.
Pourtant, la demande est bien là. Les clients se bousculent en concession, mais quand les vendeurs leur annoncent les délais à prévoir, c’est la douche froide : «Les commerciaux sont en première ligne, parfois face à des clients très virulents», poursuit-il. «Du coup, les gens se tournent vers le marché de l’occasion ou gardent leur voiture plus longtemps que prévu», empêchant ainsi la courbe des ventes de grimper.
«On n’arrive pas redresser la barre»
Le réseau de distribution n’est pas le seul à souffrir : après des mois de trafic routier réduit à la portion congrue, c’est toute la filière de l’après-vente qui accuse le coup. «Le télétravail des résidents comme des frontaliers, a fait chuter le kilométrage moyen des véhicules sur un an, divisé par trois environ d’après ce qu’on a pu constater en atelier. Ce qui signifie forcément moins d’usure, moins de travaux de carrosserie, et des garagistes qui ne travaillent plus.»
Les petites concessions comme les plus importantes sont aujourd’hui affectées par cette baisse des ventes qui, si elle se poursuit, pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les 5 310 emplois que compte le secteur au Luxembourg.
«On n’arrive pas redresser la barre», se désole le vice-président, alors que la prolongation du plan de maintien dans l’emploi jusqu’à fin décembre vient d’être signée par les fédérations et les syndicats. Essentielle pour espérer passer le cap de cette année noire sans trop de casse, cette mesure de soutien, qui doit encore être validée par le Comité de conjoncture, pourrait ne pas suffire : «Si, cet automne, on n’a plus de voiture à livrer, on sera face à un manque de facturation et une trésorerie défaillante. Comment payer les salaires dans ces conditions ?»
C’est donc du côté des constructeurs que les regards se tournent désormais : à eux de trouver la clé pour faire repartir à la hausse les cadences de leurs sites de production.
Christelle Brucker