Le fonds souverain de la Norvège, le plus gros du monde avec près de 1 100 milliards d’euros d’actifs, a annoncé jeudi s’être désengagé pour la première fois l’an dernier d’entreprises en raison de leurs pratiques fiscales.
Des droits humains au changement climatique en passant par la corruption, le fonds a établi un certain nombre de critères servant, au-delà des considérations purement éthiques ou environnementales, à mesurer les risques financiers de ses investissements.
À l’aune de ces critères, il énonce ses attentes à l’égard des quelque 9 100 entreprises dans lesquelles il a investi à travers le monde, mène des discussions avec elles et, en dernier ressort, les exclut parfois de son portefeuille.
Pour la première fois l’an dernier, il s’est désengagé de sept groupes – qu’il n’a pas identifiés – en invoquant la question de la transparence fiscale. « Notre analyse a montré qu’il pouvait y avoir un risque accru lié à des impôts qui ne seraient pas payés là où la valeur est créée », écrit-il dans un rapport annuel publié jeudi. « Il s’agit aussi d’entreprises qui rendaient peu ou pas de comptes sur la fiscalité », ajoute-t-il.
Des désengagements payants
Tous critères confondus, le fonds est sorti en 2020 du capital de 32 sociétés dont les pratiques présentaient à ses yeux des risques financiers trop élevés. Cela porte à 314 le nombre d’entreprises concernées par une telle mesure depuis 2012, dont plus de la moitié (170) pour des considérations climatiques.
Ces décisions de désengagement s’avèrent payantes : selon le fonds, elles ont au fil des années eu une contribution positive de 0,41% sur le rendement de ses placements en actions, soit un apport de 32,7 milliards de couronnes (3,2 milliards d’euros).
La gestion du fonds est aussi régie par des règles purement éthiques, dictées par le Parlement norvégien et qui lui interdisent notamment d’investir dans les fabricants d’armes nucléaires ou « particulièrement inhumaines », dans le charbon ou encore dans les producteurs de tabac.
Malgré les turbulences provoquées par la pandémie de Covid-19, l’énorme bas de laine norvégien a engrangé l’an dernier plus de 100 milliards d’euros de gains. Placé en actions, en obligations et dans l’immobilier pour faire fructifier les revenus pétroliers de l’Etat norvégien, il pesait jeudi 10.989 milliards de couronnes (1075 milliards d’euros).
LQ/AFP
Au Luxembourg
Il existe chez nous deux fonds souverains. Le Fonds souverain intergénérationnel du Luxembourg (FSIL) et le Fonds de compensation commun au régime général de pension (FDC).
Dans le cas du FSIL, dont la mission est de réaliser une épargne dont les revenus pourront être utilisés pour contribuer au bien-être des générations futures», une politique d’exclusion est difficile, selon des propos du ministère des Finances rapportés par nos confrères du Wort. «Le FSIL investit presque exclusivement dans ce qu’il est convenu d’appeler les Exchange-Traded Funds (ETF) et, contrairement au Fonds de compensation, ne détient aucune position directe sur des titres individuels». Ces ETF – en français fonds négociés en bourse – sont des fonds de placement en valeurs mobilières et «il est pratiquement impossible pour un investisseur d’exclure des entreprises sélectionnées», ajoute le ministère des Finances.
Par contre, le FDC est lui en mesure, parce qu’il investit dans des actions notamment, de mettre en œuvre une politique d’exclusion d’entreprises ne respectant pas certains critères. Et d’ailleurs, ce fonds prend soin de publier chaque année un «rapport d’investisseur responsable». Une précaution utile quand on sait les attaques virulentes dont il est régulièrement l’objet de la part, notamment, de l’organisation écologiste Greenpeace.
Toujours est-il que l’on peut lire dans son rapport d’investisseur responsable qu’il dresse une liste d’«exclusion normative portant sur les entreprises ne respectant pas les normes internationales telles qu’entérinées dans les dix principes du Pacte mondial des Nations Unies couvrant les droits de l’homme, l’environnement, les normes internationales de travail ainsi que la lutte contre la corruption». Sont également exclues les sociétés impliquées dans des activités liées aux armes controversées. On le voit : le critère fiscal est encore absent.
Manuel Santos