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Le plan climat laisse ni chaud ni froid


Comme beaucoup, les États-Unis misent sur la voiture électrique. (Photo : afp)

Un an après son entrée en vigueur, le grand plan pour le climat voulu par le président Joe Biden suscite toujours de nombreuses inquiétudes.

L’objectif du plan, qui comprend 370 milliards de dollars de subventions et réductions d’impôt (IRA) est simple : permettre aux États-Unis de développer une industrie tant pour la production d’énergie propre que pour le développement des véhicules électriques. Ce plan est «la preuve que les États-Unis s’y mettent réellement», souligne Joshua Meltzer, chercheur à la Brookings Institution, alors que l’Union européenne et la Chine, notamment, soutenaient déjà leur transition énergétique.

Mesure symbolique de cette ambition, l’achat d’un véhicule électrique est désormais subventionné à hauteur de 7 500 dollars, dès lors que le véhicule, comme ses composants, est assemblé en Amérique du Nord.

À l’origine, l’idée était encore plus restrictive puisqu’il devait être «made in USA», mais la vive réaction du Canada et du Mexique, qui y voyaient une mesure allant à l’encontre de l’accord de libre-échange existant entre les trois pays, a obligé Washington à revoir sa copie.

«Le Trésor a dû se montrer créatif»

«Les dernières versions du texte ont été négociées en secret et à la hâte pour obtenir les voix nécessaires, mais ils s’y sont mal pris», rappelle Jeffrey Schott, chercheur principal, avec «des conséquences inattendues pour certains de nos alliés proches». Ces derniers ont rapidement donné de la voix, à l’image de la Corée du Sud qui craignait de voir ses constructeurs automobiles exclus de la subvention de 7 500 dollars. Même chose au Japon, même si les constructeurs japonais sont déjà largement implantés industriellement en Amérique du Nord mais les spécificités de la subvention, sur la provenance de certains matériaux critiques, a nourri les craintes.

Craintes dissipées par la signature, fin mars d’un accord entre les deux pays rendant éligibles les véhicules intégrant des composants ou matériaux issus ou transformés au Japon. «Le Trésor a dû se montrer créatif dans la manière dont la loi doit être mise en place», indique Jeffrey Schott, en jouant notamment sur ce qu’est un accord de libre-échange «dont la définition est plus large aux États-Unis qu’ailleurs».

L’Europe dépassée

Un accord similaire est en négociation avec l’Union européenne, où l’inquiétude est cette fois de voir les investissements verts fuir le continent pour profiter des aides prévues par l’IRA, alors que l’industrie européenne souffre depuis des années des pratiques déloyales chinoises, selon Bruxelles.

Pas suffisant cependant pour dissiper les craintes car «l’Europe doit déjà affronter la hausse de ses coûts énergétiques à cause de la guerre en Ukraine. En cela, l’IRA vient s’ajouter à d’autres facteurs créant des problèmes de compétitivité pour l’UE», rappelle Joshua Meltzer.

Fin juillet, une étude réalisée par trois économistes de la Banque centrale européenne (BCE) soulignait que l’impact de l’IRA pourrait être sévère pour certains secteurs européens, avec une baisse de 10 à 40 %, selon les scénarios, des exportations en équipements électriques et optiques. Au total, il s’agirait d’une perte de production de 0,5 % à 3 % pour l’économie européenne.

En attendant, les effets de l’IRA se font déjà sentir aux États-Unis où 110 milliards de dollars d’investissement ont été réalisés, selon la Maison-Blanche. «Les investissements annoncés ces douze derniers mois dépassent ceux réalisés les huit années précédentes», a assuré dans un rapport publié début août le président de l’association pour l’Énergie propre, Jason Grumet. «On voit des investissements significatifs aux États-Unis et cela se fait sans doute partiellement au détriment d’investissements en Europe ou en Asie», estime Joshua Meltzer, même si «les investissements progressent partout dans le monde».

Ce qui pourrait inciter l’UE et les pays asiatiques à renforcer à leur tour leurs aides afin d’éviter le décrochage. Depuis plusieurs mois, le Fonds monétaire international alerte d’ailleurs quant au risque d’une «guerre des subventions», coûteuse pour les finances publiques et avec un impact positif limité pour les économies. Une crainte que ne partage cependant pas Jeffrey Schott, qui estime que «le risque politique semble grandir et les entreprises ne peuvent se permettre d’attendre qui sera le mieux disant». Mais «si vous êtes dans un secteur énergivore, actuellement les États-Unis sont de plus en plus attractifs», concède Joshua Meltzer.