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Le pétrole au plus bas depuis 17 mois


Malgré la décision de l’OPEP de reporter sa hausse de production de pétrole, rien ne semble enrayer la chute des cours. (Photo : afp)

Cette baisse des prix de l’or noir n’est pas forcément une bonne nouvelle : les marchés prédisent une récession pour l’économie mondiale.

Le brent, variété de référence du pétrole, a sombré vendredi dernier à un plus bas depuis mars 2023, le maintien de réductions de production par l’OPEP+ ne compensant pas l’anxiété liée à la demande. Le baril de brent de la mer du Nord pour livraison en novembre a lâché 2,24 %, à 71,06 dollars. Plus tôt, il s’était retranché jusqu’à 70,61 dollars, une première depuis plus de 17 mois. Son équivalent américain, le West Texas Intermediate (WTI) avec échéance en octobre, a lui flanché de 2,14 %, à 67,67 dollars, après avoir testé un plancher de 14 mois. En frôlant le seuil psychologique des 70 dollars, le brent a néanmoins déclenché une réaction technique qui a permis aux cours de limiter la casse.

«Les craintes accrues de récession» maintiennent le pétrole en terrain négatif, «malgré le report par l’OPEP+ de son projet d’augmentation de l’offre pour le mois d’octobre», commente Han Tan, analyste chez Exinity. Sous pression face à la récente chute des cours, huit membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (OPEP+) avaient convenu jeudi de décaler de deux mois le calendrier de hausse de leur production. En juin, l’OPEP+ avait initialement annoncé qu’ils reviendraient progressivement sur ces réductions, au rythme de 180 000 barils par jour ajoutés chaque mois à partir d’octobre.

Mais le changement de stratégie de l’alliance «n’impressionne pas le marché pétrolier», soulignent les analystes de DNB. «Il n’y a pas de place pour les barils supplémentaires de l’OPEP+ en 2025.» «Ce qui a surpris, ce n’est pas le report, c’est le fait que ce ne soit que pour deux mois alors qu’ils auraient pu au moins aller jusqu’à la fin de l’année», a commenté Andy Lipow, de Lipow Oil Associates. «Nous ne voyons aucun signe laissant penser que la décision de l’OPEP a interrompu la baisse de la prime de risque sur l’offre», a même avancé Daniel Ghali, de TD Securities. Dans la mesure où «l’évaluation de la demande s’affaiblit, la pression continue de s’exercer sur les cours», a poursuivi l’analyste.

Un mauvais indicateur de plus

Depuis plusieurs semaines, une série d’indicateurs chinois ont continué à dépeindre une économie cahoteuse, loin du rebond annoncé depuis près de deux ans maintenant. Dans le même temps, aux États-Unis, premiers consommateurs mondiaux d’or noir, la conjoncture se dégrade franchement, sous l’effet de taux d’intérêt élevés. Dans ce contexte, «le rapport sur l’emploi n’a pas aidé», a estimé Andy Lipow. Selon le ministère du Travail, l’économie américaine n’a créé que 142 000 emplois en août, soit moins que les 175 000 attendus par les économistes, les chiffres de juin et juillet ayant été, en sus, revu en forte baisse. La chute des cours met en lumière les limites de l’alliance. «L’OPEP+ peut influencer l’offre mais pas la demande, et la faiblesse de la demande est actuellement la principale préoccupation et le moteur de la faiblesse des prix observé», insiste Ole Hansen, de Saxo Bank.

«Pour que l’OPEP+ parvienne à soutenir les prix du pétrole, elle doit abandonner complètement l’ambition d’ajouter des barils sur le marché et se montrer très claire quant à sa volonté de réduire davantage sa production», poursuivent les analystes de DNB. «Le report de deux mois de l’augmentation annoncée de la production, qui ne résout rien, pourrait être le signe de tensions croissantes au sein du groupe», relèvent-ils également. Car en plus de ne pas pouvoir enrayer la baisse des prix du brut, les pays exportateurs doivent faire face à la concurrence avec la montée en puissance d’autres nations pétrolières comme les États-Unis, le Brésil ou le Guyana.

Et en maintenant contre vents et marées une production limitée avec l’objectif de prix plus élevés, l’OPEP+ cède «involontairement des parts de marché à d’autres producteurs», rappelle Kieran Tompkins, de Capital Economics. «Je ne serais pas surpris», prévient Andy Lipow, «qu’en novembre ils décident de renvoyer les hausses (de production) plus loin encore.» Le manque de réaction des opérateurs à l’annonce de l’OPEP+ jeudi traduit aussi la circonspection d’un marché habitué avoir plusieurs membres du cartel s’écarter des engagements pris par l’alliance. Ces derniers mois, Irak et Kazakhstan ont notamment dévié des objectifs fixés et dépassé leurs quotas. «Le marché dit toujours à l’OPEP : montrez-moi les réductions de production avant que je ne vous crois», selon Andy Lipow.