Si certains artisans ont retrouvé un bon niveau d’activité, notamment dans la construction, ce n’est pas le cas sur l’ensemble du secteur, loin d’être homogène.
La Chambre des Métiers s’inquiète des répercussions économiques de la crise sanitaire et économique en lien avec le coronavirus. En regardant les résultats de sa dernière enquête de conjoncture, la Chambre des Métiers souligne que l’activité est en chute libre. «Avec une chute de 27 points, l’intensité de cette baisse est encore pire que les chefs d’entreprise l’avaient anticipée au mois de mars. C’est même la chute la plus abrupte jamais observée depuis le lancement de l’enquête de conjoncture en 1986. Elle est plus importante que la plus grande baisse enregistrée lors de la crise financière de 2008», explique Tom Wirion, directeur général de la Chambre des Métiers.
La réalité est pourtant plus complexe car l’artisanat n’est pas un secteur homogène. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre des artisans être débordés par les demandes de devis à tel point que certains entrepreneurs n’exigent même plus d’acompte. « C’est vrai dans le secteur de la construction, dans sa globalité, où le carnet de commandes est bon. Mais l’artisanat est un vaste secteur. Prenons l’exemple d’un coiffeur qui n’a pas pu travailler pendant le confinement. De par son activité, il ne va pas pouvoir rattraper le retard. Un client n’ira pas deux fois plus chez son coiffeur. Autre exemple, si le boucher a très bien repris, ce n’est pas du tout le cas du traiteur car l’événementiel est toujours à l’arrêt», souligne Tom Wirion.
De la pénurie à la baisse de main-d’œuvre
Il ajoute : «Certains secteurs sont plus en souffrance que d’autres. Les clients ne sont pas revenus, pour différentes raisons liées à l’évolution de la crise sanitaire».
Le directeur général de la Chambre des Métiers peut comprendre ce « décalage de perception » entre d’un côté des artisans aux carnets de commandes débordant et de l’autre des artisans durement touchés par la crise. Pour autant, l’enquête de conjoncture montre clairement une inquiétude parmi les chefs d’entreprises. «Pour le moment, on ne parle pas de faillite. Mais 8% des chefs d’entreprises s’interrogent sur la possibilité d’arrêter définitivement leur activité un peu plus tôt que prévu. Le secteur de l’artisanat montre aussi des indications tendant vers une diminution de l’emploi, notamment en ce qui concerne les CDD», s’inquiète Tom Wirion qui rappelle que l’artisanat était, il a peu, face à une situation de pénurie de main-d’œuvre tout en étant le premier employeur du pays.
Pour rappel, en novembre dernier, le secteur de l’artisanat avait tiré la sonnette d’alarme en affirmant rechercher 9 400 salariés sur les douze prochains mois. Une époque aujourd’hui révolue.
Selon les retours du terrain, les chiffres sont tout de même alarmants avec une diminution de 26% du chiffre d’affaire en mai par rapport au même mois de l’année 2019. Les prévisions montrent l’incertitude qui règne dans le secteur. 71% des chefs d’entreprises indiquent que l’activité va stagner (57%) ou baisser (14%) lors du 3e trimestre par rapport au 2e trimestre 2020.
Privilégier le local
La plus grande inquiétude des artisans se portent aujourd’hui sur la visibilité à moyen terme. «Normalement, les mois d’été sont plutôt calmes au Luxembourg car le pays se vide. Dans la période actuelle, peut-être que cela ne sera pas le cas et que le secteur signera ses meilleurs mois de juillet et d’aout. Je l’espère. L’inquiétude se porte surtout sur la fin de l’année. Il y a un climat d’insécurité en lien avec la situation sanitaire, des reports ou des annulations d’investissements ou encore le fait que les artisans et les entreprises vont devoir payer les reports de charges dans les mois à venir», souligne encore Tom Wirion.
Si la Chambre des Métiers salue le soutien du gouvernement envers les entreprises et les artisans, elle s’agace d’entendre que le secteur a bénéficié de 11 milliards d’euros débloqués par l’État luxembourgeois. «Il ne faut pas croire que les artisans ont empoché cette somme et que l’on roule sur l’or. Il faut comprendre que si l’on a bénéficié d’aides directes et non remboursable, cet argent a servi au chômage partiel, aux prêts garantis et aux différentes mesures remboursables », répète Tom Wirion.
Pour le moment, les artisans ne se sont pas tournés massivement vers les aides remboursables ou les prêts garantis ne sachant pas de quoi l’avenir sera fait.
Pour le directeur général de la Chambre des métiers, la meilleure aide se trouve au niveau local. «On espère que les acteurs publics vont continuer à investir car c’est positif pour l’ensemble du pays, mais on espère surtout le retour de la demande privée. C’est mieux de se tourner vers un acteur local qu’Amazon», plaide Tom Wirion.
Jeremy Zabatta