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La voie étroite du plan de relance européen


La dette levée au nom de l'UE sur les marchés devra être remboursée par les 27 États membres selon leur richesse évaluée d'après leur PIB, ce qui est loin de faire l’unanimité. (illustration DR)

L’UE risque de sombrer en 2020 dans la pire récession de son histoire à la suite de la pandémie. Pour y faire face, la Commission européenne dévoile mercredi un plan de relance sans précédent.

Montant, partage du fardeau de la dette, prêts ou subventions… : tour d’horizon des questions qui fâchent et sur lesquelles les 27 États de l’UE vont devoir s’entendre à l’unanimité. Si le vice-président exécutif de la Commission, Valdis Dombrovskis, a évoqué la semaine dernière un volume total « de plus de 1 000 milliards d’euros », la Commission européenne reste désormais discrète sur son ampleur.

Il y a huit jours, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Emmanuel Macron, ont proposé à la surprise générale la création d’un fonds de relance doté de 500 milliards d’euros. Et samedi, les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark et la Suède, surnommés les quatre « frugaux », ont proposé un fonds d’urgence mais sans en fixer le montant.

C’est un sujet ultrasensible : l’intérêt de la mutualisation des dettes pour les pays du sud de l’Europe, c’est de bénéficier des taux d’intérêt peu élevés des pays du Nord connus pour leur orthodoxie budgétaire et de la bonne image de la Commission auprès des marchés. Une partie au moins du plan de relance de la Commission devrait être financé par des emprunts communs. L’exécutif européen devrait lier ce fonds de relance au projet de budget pluriannuel de l’UE (2021-2027) pour le doter d’une capacité d’emprunt de 450 à 900 milliards d’euros sur trois ans, grâce à des garanties demandées aux États membres.

Jusqu’ici hostile à un partage commun de la dette, Berlin a fait volte-face et a rejoint Paris il y a huit jours sur cette idée. Un élément essentiel qui va peser dans les négociations futures entre les 27. Seuls les quatre « frugaux » ont encore clamé haut et fort samedi leur opposition à une dette commune de l’UE. Pour les pays du Sud, comme l’Italie, dont la dette explose déjà, un remboursement semble hors de portée. Le plan de la Commission évoque un mélange de subventions – qui n’ont pas à être remboursées – et de prêts. L’exécutif européen espère récupérer de l’argent en créant de nouvelles taxes européennes (qui pourrait être par exemple une contribution liée aux déchets plastiques).

L’argent prêté « orienté vers des activités qui contribuent le plus à la reprise »

Dans leur proposition commune, Paris et Berlin parlent de « dotations budgétaires » aux régions les plus touchées. La dette levée au nom de l’UE sur les marchés devra être remboursée non pas par les bénéficiaires seuls mais par les 27 États membres selon leur richesse évaluée d’après leur PIB : il s’agit donc d’un transfert vers les pays les plus pauvres. Mais les quatre « frugaux » ne veulent pas entendre parler de dons.

Ils préconisent des crédits à des taux favorables dans un délai de deux ans et sous certaines conditions. De l’avis de tous, le plan de relance devra bénéficier « aux secteurs et aux zones géographiques les plus affectées » par la crise économique engendrée par la pandémie. L’un des buts est « de soutenir l’investissement, en particulier pour nos principaux objectifs stratégiques communs – la transition verte (…) et la transition numérique », déclarait jeudi dernier le commissaire européen aux Affaires économiques, Paolo Gentiloni.

Il a également parlé d’une chance « pour mettre en œuvre les réformes qui sont depuis longtemps nécessaires dans plusieurs pays ». En présentant la proposition franco-allemande, Emmanuel Macron a cité comme exemple de secteur aidé, celui du tourisme en Italie. Il a également évoqué avec Angela Merkel des « projets industriels pour bâtir des champions européens ». Les quatre « frugaux » ont quant à eux plaidé pour que l’argent prêté soit « orienté vers des activités qui contribuent le plus à la reprise, telles que la recherche et l’innovation, la santé et une transition verte ».

Ils appellent aussi à lier les aides à un « engagement fort à faire des réformes » et à la discipline budgétaire, ce que rejettent Rome et Madrid. Les pays vertueux en matière de finances publiques s’inquiètent régulièrement de devoir payer pour ceux qui le sont moins et qui ne mettent pas en œuvre les réformes jugées nécessaires pour rendre leur économie plus compétitive.

AFP/LQ