Dans le ciel de Cargolux, les nuages ne sont jamais bien loin. Après la difficile négociation de la convention collective, le départ surprise fin juin du directeur Dirk Reich, pour raison familiale, deux députés DP, Max Hahn et Eugène Berger, ont demandé des éclaircissements sur la vente des actions Cargolux à Qatar Airways au ministre des Finances, Pierre Gramegna.
Une affaire qui remonte à la fin de l’année 2012, quand Qatar Airways, devint actionnaire à 35% de Cargolux pour 117,5 millions de dollars, avant de décider de vendre ses parts dans Cargolux seulement un an après être entré dans le capital de la compagnie de fret aérien luxembourgeoise. La raison invoquée par Akbar Al Baker, directeur général de Qatar Airways, était une divergence de point de vue avec les autres décideurs au sein de Cargolux.
À l’époque, cette vente avait fait grand bruit, mettant même en cause le ministre des Finances de l’époque, un certain Luc Frieden (CSV). Une des zones d’ombre dans ce dossier concerne le «traitement asymétrique» des actionnaires privés lors de la vente des actions détenues par l’État dans la société Cargolux à la société Qatar Airways par le biais de Lux-Avantage (une Sicav luxembourgeoise) et BIP (BIP Investment Partners), causant selon l’opposition de l’époque, une moins-value importante aux actionnaires publics et à l’État luxembourgeois se chiffrant à une dizaine de millions d’euros. Pour éclaircir le dossier, un rapport d’audit réalisé par PwC (déjà impliqué dans la formalisation du rapprochement entre Qatar Airways et Cargolux). Dans ce rapport, PwC revient sur les conditions plus favorables accordées aux actionnaires sortants, BIP et Lux-Avantage, qui ont touché des dividendes que ni Luxair, ni la BCEE ni la SNCI (Société nationale de crédit et d’investissement) n’ont eu de leur côté et constate qu’aucune irrégularité n’a été faite. C’est d’ailleurs ce que répond Pierre Gramegna aux deux députés dans sa réponse parlementaire. Le ministre souligne même que BIP avait reçu une rallonge de trois millions de dollars (BIP en demandait six millions), pour accepter de transformer des actions privilégiées en actions ordinaires.
Une «cinquième liberté» pour le Qatar
Dans la question parlementaire des deux députés, il est également question d’un droit de vol illimité dont dispose la société Qatar Airways au Luxembourg. Les députés ont ainsi demandé si ce droit, qui est normalement négocié à prix d’or par les États, n’avait pas été inclus dans le prix de vente (117,5 millions de dollars) des actions rachetées par Qatar Airways à l’État luxembourgeois.
Sur ce point, le ministre des Finances actuel, Pierre Gramegna, répond que «les négociations en matière de droits de trafic aérien se font entre gouvernements et relèvent d’accords interétatiques. La société Qatar Airways dispose, non pas de droits de vol illimités, mais bénéficie de droits dits de cinquième liberté illimités en sa qualité de transporteur désigné par le gouvernement du Qatar». Le cadre juridique de l’espace aérien défini jusque cinq niveau de «liberté» (NDLR : neuf en réalité, mais seules les cinq premières libertés sont reconnues par l’Organisation de l’aviation civile internationale – OACI).
La «cinquième liberté» est donc un droit ou privilège accordé par un État à un autre État, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, de débarquer et d’embarquer, dans le territoire du premier État, du trafic en provenance ou à destination d’un État tiers. Cette liberté permet de rentabiliser certaines routes, en permettant aux avions de ne pas repartir à vide. Cette question parlementaire est pour le moins surprenante tant l’affaire semble faire partie du passé, d’autant plus que les ministres occupant le portefeuille des Finances sont de bords politiques différents. Peut-être que les deux députés ont compté sur l’opposition, CSV et DP, pour que des informations sortent. Mais la stratégie n’a, semble-t-il, pas fonctionné.
Jeremy Zabatta