British Steel placé en faillite mercredi à Londres, abandon du projet de fusion Thyssenkrupp-Tata Steel Europe, résultats mitigés pour ArcelorMittal : les sidérurgistes européens connaissent un début d’année plombé sur fond de ralentissement économique.
La capitale anglaise, où avait retenti un premier coup de tonnerre il y a une semaine lorsque le sidérurgiste britannique British Steel avait reconnu des difficultés de trésorerie, a de nouveau créé la surprise dans la matinée avec l’annonce de la liquidation de British Steel, repreneur de l’aciérie française de Saint-Saulve (ex-Ascoval).
Quelque 4500 employés du groupe au Royaume-Uni pourraient perdre leur emploi. Mais la reprise de l’aciérie nordiste par une filiale du fonds Greybull Capital, le propriétaire de British Steel, se poursuivra, ont assuré les autorités françaises.
La reprise de l’usine française a été financée par l’État, la région Hauts-de-France et l’industriel britannique.
La chute de British Steel, bien que largement liée aux incertitudes liées au Brexit, vient appuyer les dernières prévisions pessimistes d’Eurofer. La fédération européenne du secteur a prévenu début mai que le marché de l’acier dans l’UE connaîtrait un ralentissement cette année avec une baisse de la demande attendue de 0,4%, après une hausse de 3,3% en 2018.
Le marché européen « avait été plutôt dynamique ces dernières années » avec une consommation d’acier qui augmentait en moyenne de 1% à 2% par an, a observé Ambroise Lecat, analyste du cabinet Roland Berger.
Mais aujourd’hui, « on sent un ralentissement industriel assez marqué », en particulier du côté de l’automobile allemande, a-t-il noté. La consommation d’acier en Europe est passée à un régime « au mieux stable et au pire légèrement décroissant vers les moins 1% ».
À cette baisse de demande « quand même significative » s’ajoute « une pression à l’importation plus forte », a souligné l’analyste.
La fédération Eurofer a mis en cause la forte hausse des importations que, selon elle, les mesures de sauvegarde pour protéger le marché européen contre le risque de surcapacités en acier, mises en place par l’UE à titre provisoire en juillet 2018 et confirmées en février, n’ont pas permis d’endiguer.
L’an dernier, les importations ont bondi de 12,6% tandis que les ventes intérieures ne progressaient que de 1,7%, a indiqué Eurofer.
Taxe carbone en hausse
« Avec une prévision de consommation d’acier en baisse de 0,4% en 2019, la situation des producteurs européens va se détériorer », a alerté le directeur général d’Eurofer, Axel Eggert.
Dans ce contexte, le géant sidérurgique ArcelorMittal a publié début mai des résultats trimestriels toujours dans le vert mais en net recul. Le groupe, qui réclame un renforcement des mesures de sauvegarde, assure que le ralentissement de la demande en Europe a été aggravée par la hausse des importations.
ArcelorMittal, qui s’attend à une baisse de 1% de la demande d’acier en Europe en 2019, a décidé de réduire temporairement sa production, en mettant à l’arrêt son site polonais de Cracovie, pénalisé par les importations d’acier russe, et en réduisant l’activité de celui des Asturies.
La surcapacité mondiale persiste et pèse sur l’acier européen, selon Ambroise Lecat. Mais d’autres facteurs interviennent, dont les prix de l’énergie « pas très favorables en Europe en ce moment » et les montants liés à la taxe carbone qui ont « énormément augmenté ».
ArcelorMittal réclame que les importations d’acier dans l’UE soient soumises aux mêmes taxes carbone que les ventes des producteurs européens.
Zones d’incertitude
Il y a dix jours, le conglomérat allemand Thyssenkrupp a également enterré son mariage prévu avec les activités européennes de l’indien Tata Steel, faute d’avoir pu convaincre les autorités européennes de la concurrence.
Dans la foulée, Thyssenkrupp a publié des résultats trimestriels janvier-mars en recul dans sa division acier.
Sur le moyen terme, la demande en métaux de base, dont le minerai de fer, va se maintenir, mais actuellement l’économie est dans une phase « attentiste », estime Christian Mion, associé du cabinet EY.
D’autre éléments sont en cause, et en premier lieu, « la Chine (qui) est en clair ralentissement », relève-t-il, alors que ce pays représente entre 40% et 60% de la consommation de la plupart des matières premières.
Ensuite, le contexte géopolitique présente « de grosses zones d’incertitude », dont notamment « l’Europe dans une phase électorale, le Brexit, l’Iran, les relations Chine-États-Unis ». Ces « éléments anxiogènes freinent un appétit consumériste », juge Christian Mion.
AFP