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La revanche de l’Europe du sud


Au Portugal, la croissance a été de 2,5 % en 2023. L’Allemagne a subi une récession avec -0,3 % de croissance. (Photo : afp)

Les bonnes nouvelles s’enchaînent pour les économies du Portugal, de la Grèce et de l’Espagne. La période de la crise de la dette est désormais loin.

Quinze ans après la crise de la dette, les bonnes nouvelles économiques s’accumulent pour l’Espagne, la Grèce et le Portugal, à rebours de leurs voisins du Nord. Une revanche pour ces États alors qualifiés avec mépris de «pays du Club Med». Oubliée l’humiliation du début des années 2010, quand ces pays d’Europe du Sud, fortement dépendants du tourisme, s’étaient vu imposer de sévères cures d’austérité par leurs partenaires européens, prompts à pointer leur laxisme budgétaire et leur faible compétitivité.

Depuis la fin de la crise du covid, «la situation a changé», dit Zsolt Darvas, économiste à l’Institut Bruegel. «Aujourd’hui, ces pays ont une croissance supérieure à la moyenne de l’Union européenne, ce ne sont plus des moutons noirs.» L’an dernier, l’Espagne a en effet vu son PIB progresser de 2,5 %, le Portugal de 2,3 % et la Grèce de 2 %. C’est cinq à six fois plus que les 0,4 % enregistrés dans l’ensemble de l’UE, lestée par les mauvais résultats de l’Allemagne (-0,3 %). Et d’après le Fonds monétaire international (FMI), cette dynamique devrait se poursuivre en 2024, quoique de façon plus modérée, avec 1,7 % attendu au Portugal, 2 % en Grèce et 2,4 % en Espagne, contre 0,8 % dans l’ensemble de la zone euro. L’Espagne «avance comme une fusée», s’est ainsi félicité Pedro Sánchez, Premier ministre de la quatrième économie européenne, allant jusqu’à assurer jeudi que son pays était «la locomotive» de l’UE en matière de créations d’emplois. Un optimisme partagé par Athènes et Lisbonne, qui peuvent se prévaloir d’un net assainissement de leurs finances publiques : en Grèce, le déficit est tombé à 1,6 % du PIB en 2023 (contre 3,5 % dans l’UE) quand le Portugal a dégagé un excédent de 1,2 %.

Le chômage reste élevé

Pour les économistes, ce retournement de situation s’explique en grande partie par le tourisme, qui a atteint des niveaux record l’année dernière. Un phénomène loin d’être négligeable, ce secteur pesant 12 % du PIB en Espagne et au Portugal, et près de 25 % en Grèce. Ces trois pays bénéficient en outre à plein des fonds du plan de relance européen, adopté pour faire face au choc économique de la pandémie, avec 38 milliards d’euros déjà encaissés par Madrid, 15 milliards par Athènes et huit par Lisbonne. Au-delà de ces facteurs conjoncturels, l’Espagne, la Grèce et le Portugal ont «fait de gros efforts pour améliorer leur attractivité économique», avec des «réformes structurelles» importantes pour leur marché du travail et leur compétitivité, souligne Zsolt Darvas. Signe de cette compétitivité retrouvée : les investisseurs se pressent dans ces pays, notamment dans les énergies renouvelables et les nouvelles technologies, à l’image d’Amazon qui vient d’annoncer 15 milliards d’euros d’investissement en Aragon, dans le nord-est de l’Espagne. De quoi redonner des couleurs au secteur industriel – en particulier en Espagne, deuxième producteur automobile européen après l’Allemagne, où de nombreux constructeurs (Volkswagen, Stellantis…) ont choisi d’assembler leurs futurs modèles hybrides ou électriques.

Pour les économistes, tout n’est pas rose pour autant. Comme l’Italie (autre pays du Sud de l’Europe, encore englué pour sa part dans une croissance poussive), l’Espagne, la Grèce et le Portugal avaient en effet vu leur PIB chuter fortement lors de la crise financière et ont donc surtout rattrapé le terrain perdu. Faible productivité et capacité d’innovation limitée continuent par ailleurs de miner l’économie de ces pays, en particulier la Grèce et l’Espagne, confrontées à un taux de chômage supérieur à 11 %, contre 5,9 % en moyenne dans l’UE. Sur le plan budgétaire, «les divergences entre pays de la zone euro» ont certes «diminué depuis dix ans», mais «les déficits et niveaux d’endettement restent importants» dans les pays du Sud, rappelle Olli Rehn, ex-commissaire européen aux Affaires économiques. En Grèce, le taux d’emprunt à 10 ans est certes tombé à 3,5 %, contre 13 % durant la crise financière. Mais la dette publique y demeure très élevée (160 % du PIB) et continue de menacer l’avenir du pays. De quoi justifier une certaine prudence. «La convergence» avec le nord de l’Europe «devrait se poursuivre», mais à un rythme «plus lent», juge Zsolt Darvas, pour qui Athènes, Madrid et Lisbonne ont encore «des efforts à faire».