Venu à la rescousse d’une Europe en quête désespérée de gaz, le géant norvégien de l’énergie Equinor affiche des résultats trimestriels record contribuant à remplir les caisses d’une Norvège qui s’enrichit, officiellement malgré elle, du fait de la guerre en Ukraine.
Les chiffres sont vertigineux : au troisième trimestre, Equinor a vu son bénéfice net bondir à 9,4 milliards de dollars contre 1,4 milliard un an plus tôt. Soit davantage que les « supermajors » français TotalEnergies (6,6 milliards de dollars) et britannique Shell (6,7 milliards), dont les superprofits font débat.
Depuis le début de l’année, le groupe a gagné près de 21 milliards de dollars. Il récolte là le fruit de ses efforts pour accroître sa production de gaz naturel au profit de l’Europe qui, flambée des cours oblige, l’a payé 60 % plus cher qu’il y a un an.
Du fait de la réduction des livraisons russes en lien avec la guerre en Ukraine, la Norvège est devenue le premier fournisseur de gaz d’une Europe aux abois, couvrant aujourd’hui 25 % de ses importations. Au troisième trimestre, Equinor a livré à l’Europe 11 % de gaz de plus qu’il y a un an.
« La guerre russe en Ukraine a changé les marchés de l’énergie, réduit la disponibilité de l’énergie et augmenté les prix », a noté le directeur général, Anders Opedal. « Equinor continue de fournir un flux stable et une production élevée, avec des niveaux record de gaz provenant du plateau continental norvégien ».
Profiteur de guerre?
Indicateurs privilégiés par le groupe, le résultat d’exploitation ajusté – qui gomme certains résultats exceptionnels – a bondi à 24,3 milliards de dollars, contre 9,8 milliards il y a un an, et le bénéfice net ajusté à 6,7 milliards contre 2,8 milliards. Le chiffre d’affaires, lui, a quasiment doublé, à 43,6 milliards.
Contrairement à d’autres pays, ces « superprofits » font peu débat en Norvège, pays qui doit sa prospérité à ses immenses ressources énergétiques et où les compagnies pétrolières sont déjà fortement taxées (78%). Equinor étant détenu à 67 % par l’État norvégien, une grande partie de ces bénéfices ira abonder l’immense fonds souverain du pays qui pèse aujourd’hui près de 1 200 milliards d’euros.
Mais ces « superprofits » agacent les défenseurs de l’environnement. « Equinor baigne dans l’argent à cause de la guerre en Ukraine, mais ne doit cependant pas payer de contribution face aux prix élevés et va continuer à utiliser au moins 80 % de ses investissements pour produire plus de pétrole et de gaz. Irresponsable », a tweeté Truls Gulowsen, le chef de la branche norvégienne de l’ONG Amis de la Terre.
Surtout, l’enrichissement de la Norvège lui vaut ici ou là d’être taxée de « profiteur de guerre ». « S’il y a des moments où il n’est pas marrant de gagner de l’argent, c’est bien le cas aujourd’hui », martèle le ministre norvégien du Pétrole et de l’Énergie, Terje Aasland – tout en rejetant obstinément la demande de certains pays de l’UE, dont la France, de plafonner le prix du gaz.
Selon Oslo, un plafonnement risquerait d’être contreproductif en détournant certains volumes de gaz du continent européen.