La Grèce fait monter la pression dans la dernière ligne droite des négociations en reportant une série de lourds remboursements au FMI pour s’assurer un répit financier tout en affichant sa fermeté face aux exigences jugées « extrêmes » des créanciers.
« Nous sommes plus près que jamais d’un accord », qui doit toutefois inclure une clause « sur la viabilité de la dette grecque », a indiqué Alexis Tsipras lors d’une session extraordinaire devant les députés où il a appelé les créanciers « à retirer la proposition absurde » de mesures budgétaires soumise mercredi à Bruxelles par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker au chef de l’exécutif grec.
Athènes, qui avait jusqu’ici honoré tous ses paiements à l’institution de Washington, ne remboursera pas ce vendredi une échéance de 300 millions d’euros mais a obtenu un délai de trois semaines pour regrouper en un seul versement l’ensemble des sommes qu’elle doit en juin au FMI, soit 1,6 milliard d’euros.
Au 30 juin, le gouvernement espère pouvoir rembourser ce montant en obtenant le déblocage de 7,2 milliards d’euros restant à verser, depuis l’automne 2014, dans le cadre du plan d’assistance internationale au pays en vigueur depuis 2010.
La bourse d’Athènes a très mal réagi à cette annonce en chutant de 4,5% à la mi-journée. Les partenaires de la Grèce n’ont pas semblé en prendre ombrage: « c’est une non question (…) c’est légal », a réagi une source européenne proche des négociations. La Grèce avait les fonds pour rembourser le FMI vendredi, a assuré le ministre grec de l’Economie Giorgos Stathakis dans une interview à la BBC, mais « c’est l’économie grecque qui paye ces prêts depuis un an en puisant dans ses ressources internes », une situation difficilement tenable.
« Les paiements suivants auraient été difficiles », estime l’économiste Georges Pagoulatos, alors que l’Etat a réduit ses dépenses publiques au minimum ces derniers mois, dans une économie saignée à blanc, pour payer salaires, retraites et créanciers. Le report des paiements au FMI est aussi « un message politique intérieur montrant que le gouvernement fait pression », estime Panagiotis Petrakis, économiste à l’université d’Athènes. Même si le symbole est lourd: un seul pays, la Zambie, avait eu recours un regroupement de paiments au milieu des années 1980.
En attendant, la Grèce évite un défaut de paiement aux conséquences potentiellement explosives, pouvant remettre en cause sa place dans la zone euro, et donne au gouvernement de gauche radicale un court répit pour essayer d’arracher quelques concessions de ses créanciers UE, BCE, FMI dans le programme de réformes que les deux parties négocient âprement depuis le 20 février.
En l’état, les dirigeants grecs jugent que la dernière offre de leurs partenaires présente « des positions extrêmes » qu’il n’est pas envisageable d’accepter. Le Premier ministre Alexis Tsipras, qui doit donner des gages à son parti et ses électeurs, devrait développer cet aspect lors d’une session extraordinaire du parlement grec consacrée aux négociations, vendredi vers 18h30 locale.
« Sur deux points particuliers, relatifs aux objectifs d’ajustement fiscaux pour 2015 et 2016, nous n’accepterons pas les mesures proposées », a asséné M. Stathakis, affirmant que les exigences des créanciers sur ces questions sont « nouvelles » et n’avaient pas été mises sur la table lors des discussions entre les équipes techniques de négociation des deux camps.
Ces discussions techniques se doublent depuis une semaine d’une multiplication de contacts au plus haut niveau politique, avec la chancelière Angela Merkel et le président François Hollande en première ligne. Les deux dirigeants se sont de nouveau entretenus par téléphone avec Alexis Tsipras au cours de la nuit de jeudi à vendredi.
Après une séance de travail nocturne à Bruxelles mercredi, le Premier ministre grec, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le patron de la zone euro, Jeroen Dijsselbloem, devraient de nouveau se rencontrer dans les prochains jours pour tenter d’aplanir les divergences entre les propositions concurrentes d’Athènes et ses créanciers.
« Il va y avoir un tentative de synthèse », anticipe l’économiste Georges Pagoulatos. La proposition du gouvernement Tsipras, qui s’est résolu à des hausses de taxe significatives, « est un grand pas vers le réalisme », estime-t-il. L’exécutif grec, au pouvoir depuis janvier, estime avoir fait « des concessions par rapport aux annonces initiales de son programme gouvernemental ».
Après avoir signifié à Athènes que la balle était dans son camp et que les créanciers avait déjà fait preuve d’une « flexibilité considérable », selon la directrice générale du FMI Christine Lagarde, le ministre français des Finances Michel Sapin a jugé vendredi que « les choses sont ouvertes (…) les échanges possibles ».
AFP