Après plusieurs jours de suspense, la Grèce a honoré jeudi son versement d’avril au FMI, mais l’incertitude perdure sur sa capacité à payer ses dettes à partir du mois prochain, faute d’accord avec ses créanciers.
Pendant ce temps, le Premier ministre Alexis Tsipras poursuivait à Moscou une offensive de charme scrutée de près par l’UE. L’ordre de virement des 459 millions d’euros a été donné dès mercredi à la Banque de Grèce, et le paiement en lui-même, effectué d’est en ouest aux différents pays membres du FMI concernés, devait être officiel à l’ouverture jeudi du FMI à Washington, a expliqué une source au fait de la transaction, assurant qu’il est « impossible que la Grèce ne serve pas toute sa dette ce mois-ci ».
Cette dette comprend aussi en avril un peu moins de 400 millions d’euros de paiements d’intérêts, et le renouvellement de 2,4 milliards d’euros de bons du Trésor à six et trois mois arrivant à échéance les 14 et 17 avril. Déjà mercredi et jeudi, l’Agence grecque de la dette (PDMA) a réussi à renouveler un total de 1,4 milliard d’euros de bons à six mois, majoritairement auprès de banques et d’investisseurs grecs. Et une source au ministère des Finances a affirmé qu’il n’y aurait pas de problème à payer les fonctionnaires la semaine prochaine.
Alexis Tsipras lui-même avait contribué largement à entretenir la peur d’un possible défaut de paiement imminent, dans une lettre en forme de cri d’alarme envoyée le 15 mars à la chancelière allemande Angela Merkel. Le ministre des Finances Yanis Varoufakis a dû se rendre en personne à Washington dimanche pour rassurer la directrice générale du FMI Christine Lagarde.
La Grèce, dont les ressources se sont encore taries depuis l’arrivée au pouvoir fin janvier du gouvernement de gauche radicale Syriza, attend depuis août un versement de 7,2 milliards d’euros. Il s’agit de la dernière tranche d’aide européenne, dans le cadre des plans UE-FMI d’un montant total de 240 milliards d’euros lancés en 2010, en échange de réformes drastiques du pays.
Or en mai, elle doit rembourser 760 millions d’euros au FMI, 320 millions d’euros d’intérêts et renouveler 2,8 milliards d’euros de bons du Trésor. En aura-t-elle la capacité, cette fois ? « Qui sait… on verra », avance prudemment la même source.
« A pas de bébé »
Dans ce contexte, Alexis Tsipras poursuivait sa visite à Moscou, au risque de froisser ses partenaires européens au plus mauvais moment. Revendiquant son droit à mener la politique étrangère de son choix, malgré le froid entre l’UE et la Russie sur la question ukrainienne, Alexis Tsipras devait notamment rencontrer le Premier ministre Dmitri Medvedev après le président Vladimir Poutine mercredi. Il n’a pas demandé d’aide financière directe à Moscou, mais les deux pays ont prévu de renforcer leur coopération économique.
La Grèce pourrait participer au projet de gazoduc Turkish Stream entre la Russie et la Turquie, vu comme la possible base de livraisons de gaz russe vers le sud de l’Europe. Par ailleurs, pour contourner l’embargo que la Russie a décidé sur les produits agricoles de l’UE, les deux capitales ont évoqué un possible contournement du problème par la création de coentreprises agricoles gréco-russes.
A Bruxelles, les experts techniques de la zone euro ont tenu mercredi une réunion de travail sur la Grèce, qui devait se poursuivre jeudi. Il s’agit toujours de mettre au goût européen le projet de réformes en 26 pages soumis par les Grecs fin mars. Les discussions n’avancent « qu’à petits pas », voire « à pas de bébé », déplorait mercredi une source européenne à Bruxelles, sans exclure pourtant le déboursement d’au moins une partie de l’aide à l’occasion de la réunion de l’Eurogroupe à Riga le 24 avril.
La marge de Tsipras paraît étroite, entre créanciers et opinion publique grecque : jeudi, une manifestation était prévue à Athènes contre le versement au FMI, à l’appel du syndicat de fonctionnaires Adedy, et du mouvement « Effacer la dette maintenant ». Celui-ci, créé début mars, accuse le gouvernement de ne pas être assez ferme face aux créanciers. De son côté, la Banque centrale européenne a relevé une nouvelle fois, cette fois à 73,2 milliards d’euros, le plafond de l’aide d’urgence accordée aux banques grecques, victimes de retraits massifs depuis début décembre.
AFP