La France a cédé aux États-Unis sa place de premier partenaire commercial de l’Allemagne en 2015, une première depuis 40 ans qui doit beaucoup à l’euro faible mais qui souligne aussi l’écart entre les deux principales économies européennes.
L’évolution se dessinait depuis le milieu de l’année, les chiffres provisoires pour 2015 publiés mercredi par l’Office fédéral des statistiques mercredi le confirment: pour la première fois depuis 1975, la France n’est plus le premier partenaire commercial de son grand voisin. Mouvements de taux de change et vigueur de l’économie américaine expliquent pour l’essentiel cette évolution. Mais, alors que l’Europe lutte pour préserver son unité sur fond de crise des réfugiés, elle est politiquement malvenue. Le qualificatif de «premier partenaire commercial» a été pendant des années mis en avant pour faire les louanges de la relation franco-allemande et de la solidité des liens politiques et économiques entre les deux pays.
Anton Börner, président de la fédération allemande des exportateurs BGA, voit dans la distanciation de la France «un point d’inflexion, quelque chose de long terme» – qui n’enlève toutefois rien au fait que le pays reste «un partenaire très important, politiquement le plus important», assurait-il il y a quelques semaines. Vendredi la chancelière Angela Merkel sera d’ailleurs à Paris pour accorder ses violons avec le président François Hollande, avant un sommet crucial sur les réfugiés la semaine prochaine.
Premier client pendant plus de 50 ans
Le classement sur les partenaires commerciaux de l’Office des statistiques se réfère au volume cumulé d’exportations et importations, qui entre la France et l’Allemagne a atteint l’année dernière 170 milliards d’euros, contre 173 milliards d’euros entre l’Allemagne et les États-Unis.
La France est également détrônée en matière d’exportations: les entreprises allemandes ont vendu pour 114 milliards d’euros aux États-Unis, contre 103 milliards d’euros en France. Celle-ci a été pendant plus de 50 ans, depuis 1961, la première destination des produits allemands. L’Allemagne reste en revanche, et de loin, le premier partenaire commercial de la France, 16% des exportations françaises y étant parties en 2015, et 17% des importations en provenant.
Les exportations allemandes vers la France ont augmenté entre 2014 et 2015, de 2,3%, et les importations en provenance de France ont progressé de 0,4% sur un an. Des évolutions sans commune mesure avec celles du commerce germano-américain: un bond de 19% des exports vers les États-Unis, et de plus de 20% des importations de produits américains. Largement sous l’effet de la politique monétaire ultra-généreuse de la Banque centrale européenne (BCE), l’euro a piqué du nez l’an dernier par rapport au dollar. Une évolution qui, en minorant la valeur des exportations en dollars, stimule les ventes des pays européens hors de la zone euro.
La vigueur retrouvée l’an dernier de la conjoncture américaine a fait de la première économie mondiale, tout particulièrement, un gros client pour les produits «made un Germany». Produits chimiques (+10%), machines (+12%), voitures et équipements automobile (23%)… tous les secteurs qui font le succès de l’Allemagne ont affiché des ventes aux États-Unis en forte hausse. Ce pays a supplanté la Chine comme premier marché à l’export pour les machines-outils allemandes, par exemple, explique Ralf Wiechers, économiste de la fédération des fabricants VDMA. Dans ce secteur, qui représente pas loin de 10% du total des exportations allemandes, la France reste troisième cliente.
«Mais nous nous faisons tout de même du souci à propos du tissu industriel français», explique M. Wiechers. «Pendant des années la France a eu une politique industrielle qui a favorisé les grands groupes», et il manque au pays un tissu d’entreprises industrielles dynamiques de plus petite taille, ce qui se ressent sur l’investissement. Les divergences économiques entre les deux premières économies européennes sont profondes, que ce soit les indicateurs de compétitivité, la balance commerciale dont l’une est structurellement déficitaire et l’autre excédentaire, ou encore la situation des finances publiques, ce qui inquiète responsables et milieux économiques allemands.
Le Quotidien/AFP