L’Agence internationale de l’énergie a réuni hier à Paris 47 pays producteurs et consommateurs de métaux rares indispensables à l’électrification de notre mobilité.
Du cuivre pour transporter l’électricité des éoliennes, du lithium, du cobalt et du nickel pour les batteries automobiles : la transition vers les énergies propres est affamée de métaux. La Chine dominant largement le raffinage et l’approvisionnement, le reste du monde a commencé à s’organiser pour ne pas être (trop) dépendant. Hier à Paris, les représentants de 47 pays consommateurs et producteurs se sont réunis sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour le premier sommet mondial consacré aux «métaux critiques», le nouvel or noir, dans le but de tracer les contours d’une «diplomatie des métaux».
Ce sommet, le premier du genre, s’est conclu par une déclaration d’intention, sorte d’ébauche de feuille de route en six axes pour «assurer une transition énergétique rapide et sûre». Elle prévoit d’«accélérer» la diversification des sources d’approvisionnement, «libérer» le recyclage et les technologies permettant de soulager les tensions entre l’offre et la demande, promouvoir la transparence sur les marchés, améliorer l’accès à une information fiable sur les problèmes de chaînes d’approvisionnement, créer des «incitations» pour une production «durable et responsable» et renforcer la collaboration internationale.
Fatih Birol, le directeur de l’AIE a mis en garde contre les «risques» que fait courir un «niveau de sur-concentration» des métaux critiques, sans égal parmi les autres produits de base. Au cours d’un entretien récent, il avait été plus précis : «le raffinage des métaux est très concentré en Chine», avait-il dit. Pas plus que la Russie, également grand producteur de métaux et minéraux, la Chine n’était représentée au sommet. Or, à elle seule, elle assure «près de 70 % de la production de terres rares», selon Emmanuel Hache, chercheur spécialiste des matières premières, et Benjamin Louvet, gérant d’actifs, auteurs du récent ouvrage Métaux, le nouvel or noir.
«Aligner les conventions et régulations» nationales»
Côté raffinage, «dans le seul segment des batteries, la Chine raffine environ 67 % du cobalt, 62 % du lithium, 60 % du manganèse, et 32 % du nickel» mondiaux, soulignent-ils. Pour le cobalt, elle produit environ 1 % du minerai, mais elle participe à plus des deux tiers du raffinage mondial. Idem pour le cuivre, dont elle produit 8 % du minerai mondial, mais en raffine 41 %. Face à cette hégémonie et avec le souvenir de la rupture des chaînes d’approvisionnement mondiales durant la crise du covid, les participants ont essayé d’imaginer une diversification des sources d’approvisionnement. La secrétaire à l’Énergie américaine, Jennifer Granholm, a appelé à la «coopération internationale» et à «la créativité» pour relever des défis «complexes».
Il faut travailler pour «aligner les conventions et régulations» nationales, et améliorer «la transparence des marchés», afin «d’avoir des outils neufs» lorsque et si des ruptures d’approvisionnement devaient voir le jour, a-t-elle dit. «Dans l’Union européenne, nous ne pouvons pas remplacer la dépendance aux énergies fossiles par une dépendance aux matières premières», a relevé le commissaire européen à l’industrie Thierry Breton. Il a aussi appelé à plus de coopération afin de «gonfler les capacités minières et de raffinage». Mercredi, Paris avait signé des accords bilatéraux avec le Canada et l’Australie, grands pays miniers.
L’électrification contre le réchauffement
Côté industriel, le géant minier australien BHP a de son côté appelé les pays à adopter «des cadres fiscaux stables, des processus de recherche et d’autorisation rationalisés et des normes harmonisées». Sous peine de faire fuir les capitaux et de «rendre la transition énergétique plus difficile et plus coûteuse», a prévenu son PDG, Mike Henry. D’autres groupes miniers comme Rio Tinto ou le chilien Sociedad Quimica y Minera de Chile, ainsi que des géants du commerce des matières premières comme Glencore et Trafigura, ont participé aux échanges.
L’augmentation de projets miniers ou de recyclage de métaux peut aider à limiter le réchauffement climatique «en dessous de 1,5° C» par rapport à l’ère pré-industrielle, selon l’AIE. La seule électrification des transports à l’horizon 2040 engendrera une multiplication de la demande en lithium de plus de 40 au niveau mondial, d’environ 20 pour celle du cobalt et du nickel et plus de 3 pour le cuivre dans des scénarios de décarbonation compatibles avec l’accord de Paris sur le climat, selon l’AIE.
Ce que l’Afrique voit comme une opportunité de développement unique, «puisque 50 à 70 % des ressources en métaux se trouvent en Afrique», a relevé la commissaire de l’Union Africaine (55 pays) à l’Énergie Amani Abou-Zeid, lors d’un entretien. «Les pays développés parlent des métaux critiques, nous, nous parlons des minéraux de développement.»