La croissance allemande devrait légèrement ralentir en 2016 et 2017 mais pourra encore compter sur la consommation intérieure du pays pour aller de l’avant, ont estimé jeudi les principaux instituts de conjoncture allemands, contestant les critiques récemment adressées à la Banque centrale européenne.
Après 1,7% en 2015, le PIB de l’Allemagne devrait limiter sa progression à 1,6% en 2016, puis à 1,5% en 2017, estiment ces quatre instituts (Ifo, RWI, DWI et IWH) dans leur rapport semestriel. A l’automne dernier, ils prévoyaient encore une croissance plus dynamique de 1,8% pour 2016.
« L’économie allemande se trouve dans une période d’expansion modérée », résument les instituts économiques, qui généralement influencent les prévisions économiques du gouvernement allemand, pour l’heure encore de 1,7% pour cette année.
Accréditant le changement de paradigme observé ces dernières années dans ce pays qui par le passé misait essentiellement sur ses exportations pour prospérer, « l’expansion (économique) est portée par la consommation privée », souligne le rapport.
Motivés par une progression de l’emploi, des hausses de revenus et un pouvoir d’achat renforcé par une énergie bien moins chère qu’avant, qui leur fait économiser en chauffage et en essence, les Allemands n’hésitent plus à dépenser.
En outre, « les faibles taux d’intérêt stimulent la demande intérieure et plus particulièrement la demande immobilière », pointent les instituts, qui n’observent toutefois pas de risque de bulle immobilière.
Un tel spectre est régulièrement agité en Allemagne, alors que beaucoup de critiques s’élèvent contre la politique très accommodante de la Banque centrale européenne (BCE), qui multiplie les largesses monétaires pour tenter de relancer une inflation au plus bas en zone euro. Un commentaire acerbe est venu il y a quelques jours du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble qui, selon la presse, aurait renvoyé le succès électoral du parti populiste AfD à la politique de l’institution de Francfort.
Lors d’une conférence de presse, Timo Wollmershäuser de l’institut Ifo a en revanche considéré que si la politique monétaire actuelle est « extrêmement expansive », vu la dynamique nulle des prix actuellement, elle est « adaptée ».
Son collègue Oliver Höltemöller de l’institut IWH a partagé cet avis, ne cachant toutefois pas que cette politique avait « aussi des risques » pour la « stabilité financière » ainsi que pour la mise en oeuvre de réformes structurelles.
Du côté des moteurs pour la croissance, l’Allemagne devrait encore profiter des dépenses supplémentaires engagées par l’Etat pour accueillir et intégrer le très grand nombre de réfugiés de guerre arrivant dans le pays. Pour 2017, une enveloppe globale de quelque 10 milliards d’euros est, par exemple, prévue.
Si ces dépenses vont donner « une puissante impulsion », les instituts regrettent en revanche l’absence persistante « de mesures (de politique économique) orientées vers la croissance ».
L’arrivée progressive de ces centaines de milliers de personnes sur le marché allemand du travail, pour l’heure d’une solidité remarquable par rapport aux pays européens voisins, devrait provoquer quelques tensions, mais finalement pas tant que cela, estiment les instituts. Certes le taux de chômage devrait un peu augmenter en 2017, à 6,4% (après 6,2% attendu en 2016 et 6,4% en 2015), mais il reste au plus bas niveau depuis la réunification du pays.
En revanche, « presque aucune impulsion n’est à attendre du commerce extérieur », anticipent les instituts économiques, tablant sur une progression « seulement modérée » des exportations.
Depuis plusieurs mois, face à des indicateurs économiques envoyant un message brouillé, les interrogations se multiplient sur les répercussions pour l’Allemagne, qui reste un des plus gros exportateurs au monde, des turbulences économiques dans plusieurs pays en développement, comme la Chine ou le Brésil, mais aussi des pertes de revenus des pays grands producteurs de pétrole.
Le Quotidien / AFP