La Banque centrale européenne a prolongé jeudi son cap monétaire restrictif, avançant prudemment malgré le recul de l’inflation et l’impatience grandissante de voir baisser les taux d’intérêt toujours à un niveau record.
Le taux sur les dépôts, qui fait référence, est maintenu à son plus haut historique de 4%, comme depuis octobre, a décidé l’institution à l’issue de la réunion du Conseil des gouverneurs.
Les marchés sont toujours à l’affût d’indices sur le calendrier des futurs assouplissements.
Si le scénario d’une baisse des coûts d’emprunt courant 2024 semble faire consensus parmi les gardiens de l’euro, la question est désormais de savoir quand et à quel rythme va s’enclencher ce nouveau cycle.
Le communiqué du Conseil des gouverneurs ne donne pas la moindre indication sur ce point.
Le sujet sera donc au coeur des interrogations lors de la conférence presse prévue à 14h45.
Lors de la réunion de janvier, la présidente de la BCE Christine Lagarde avait dit que la question des baisses de taux n’avait pas été abordée et qu’elle était « prématurée ».
A priori, les données sur les prix vont dans la bonne direction : la BCE a abaissé jeudi sa prévision d’inflation pour 2024 en zone euro, la voyant reculer à 2,3% sous l’effet de l’impact plus faible des prix de l’énergie. L’institution s’attend désormais à ce qu’elle atteigne son objectif de 2% en 2025.
La banque centrale veut s’assurer que cette tendance est durable.
Tournant en juin ?
Après avoir été divisée par trois entre le record de 10,6% atteint en octobre 2022 et l’automne 2023, l’inflation évolue de façon plus hésitante.
Elle a ralenti à 2,6% en février mais ce recul était un petit peu moins marqué que ce qui était anticipé.
En France, les prix sont repartis à la hausse de 0,8 % en rythme mensuel entre janvier et février.
Scrutée par les marchés financiers et la BCE, l’inflation dite sous-jacente, c’est-à-dire sans les prix très volatils de l’énergie et de l’alimentation, a ralenti en février à 3,1%, contre 3,3% en janvier.
La BCE ne veut pas relâcher l’effort et risquer de compromettre les effets de sa campagne de resserrement monétaire sans précédent menée depuis juillet 2022 pour maîtriser la flambée des prix causée par la guerre russe en Ukraine.
En augmentant les coûts d’emprunt à un rythme inédit, la demande de crédits a été freinée, affectant la consommation et l’investissement des entreprises comme des ménages.
Revers de cette politique: l’économie de la zone euro stagne depuis près d’un an et demi et des économistes jugent que l’institution pèche par excès de prudence, risquant de compromettre un rebond de l’activité.
Dans ces nouvelles projections macroéconomiques dévoilées jeudi, la BCE a ainsi abaissé sa prévision croissance du PIB pour la zone euro en 2024 à 0,6% contre 0,8% précédemment.
Salaires
Mais « l’économie de la zone euro dans son ensemble a évité la récession », remarque Mark Wall, économiste chez Deutsche Bank.
La BCE a ainsi maintenu sa prévision de croissance pour l’an prochain à 1,5% et l’a légèrement relevée pour 2026 à 1,6% (contre 1,5% auparavant).
De quoi conforter l’institution dans sa volonté de ne pas précipiter la baisse des taux. Les marchés financiers espéraient qu’un tournant interviendrait dès avril, ils misent désormais plutôt sur juin.
La banque centrale américaine, qui se réunira les 19 et 20 mars, dégainera-t-elle la première ?
Son président Jerome Powell s’est montré prudent mercredi jugeant prioritaire d’éviter un rebond de l’inflation, car la poursuite des progrès sur ce front « n’est pas assurée ».
Les inquiétudes portent principalement sur l’inflation dans les services de même que « les pressions sur les prix intérieurs » qui « restent fortes, en partie à cause de la forte croissance des salaires », comme souligné jeudi par la BCE.
Après trois ans durant lesquels les prix ont grimpé plus vite que les salaires, un rattrapage s’effectue au fil des négociations sociales dans les entreprises et branches professionnelles.
Ces revendications sont particulièrement vives en Allemagne où une nouvelle grève paralyse jeudi les transports ferroviaires et aériens. Au point d’avoir contraint certains responsables de la BCE à participer à distance à réunion de Francfort.