La Banque centrale européenne (BCE) a sans surprise laissé ses taux directeurs inchangés jeudi, dans l’attente de chiffres rassurants sur l’inflation qui laisse toutes les options sur la table pour la prochaine réunion de rentrée.
Après avoir procédé en juin à sa première baisse de taux depuis 2019, la BCE a joué la prudence, maintenant le taux de dépôt, qui fait référence, à 3,75 %.
« Même si nous sommes sur la voie de la désinflation, les pressions sur les prix intérieurs restent élevées », a souligné Christine Lagarde, la présidente de l’institution.
En juin, la BCE avait baissé de 0,25 point de pourcentage ses taux, voulant envoyer le signal de la fin du cycle inédit de resserrement monétaire destiné à lutter contre une inflation qui a culminé à 10,6 % en octobre 2022.
Mais Mme Lagarde avait prévenu dans la foulée que la vitesse et la durée des futures baisses restaient « très incertaines » en raison de la volatilité de l’inflation, évoquant le chemin « cahoteux » de la courbe des prix.
Après la trêve estivale, le Conseil des gouverneurs tiendra sa prochaine réunion de politique monétaire le 12 septembre et tous les regards sont déjà tournés vers cette échéance.
« Été chargé »
Le mois de septembre devrait d’ailleurs être aussi le moment choisi par la Réserve fédérale américaine (Fed) pour amorcer son propre cycle de desserrement monétaire.
« La question de ce que nous ferons en septembre est grande ouverte », a assuré Christine Lagarde. « Nous ne nous engageons pas sur une trajectoire particulière à l’avance », a-t-elle insisté.
Si la plupart des analystes s’attendent à ce que l’institution reprenne ses baisses de taux en septembre, certains considèrent la possibilité que le statu quo se prolonge.
Pour les experts de Capital economics, il y a un risque « que les taux d’intérêt baissent plus lentement que prévu initialement », en raison de la pression sur les prix.
La BCE « n’est pas en pilotage automatique » et tout dépendra des prochains chiffres d’inflation, note Ann-Katrin Petersen, stratégiste en chef à BlackRock.
« Je crains que l’été ne soit très chargé », au regard du travail d’analyse des données à venir, a plaisanté Christine Lagarde.
Depuis la réunion de juin, les indicateurs en zone euro pointent une croissance plus faible et une inflation de nouveau en recul, à 2,5 % en juin sur un an, après le rebond à 2,6% en mai.
Mais les prix des services, où la composante salaires est forte, « augmentent à un rythme élevé », selon la BCE (+4,1 % sur un an en juin), représentant désormais la plus grande contribution à l’inflation.
Aussi, « l’inflation globale devrait rester supérieure à l’objectif pendant une grande partie de l’année prochaine », rappelle l’institution, dont la dernière prévision d’inflation pour 2025 s’établit à 2,2 %.
Élément rassurant pour la courbe d’inflation : les hausses des salaires destinés à compenser les pertes de pouvoir d’achat semblent s’assagir.
« De nombreuses enquêtes indiquent que cette tendance à l’augmentation des salaires va diminuer de manière significative en 2025 et encore plus en 2026 », selon Mme Lagarde.
Cela devrait aussi être le cas des bénéfices, signe que les augmentations de salaires sont absorbées par les entreprises, a-t-elle encore relevé.
Discipline fiscale
Face aux questions concernant la France, dont le climat politique reste très incertain après des législatives n’ayant pas dégagé de majorité absolue, elle s’est en revanche montrée beaucoup moins diserte.
Le flou politique dans l’Hexagone pourrait créer des tensions sur les taux d’emprunt de la dette française, mettant la BCE sous pression pour intervenir, même si le calme règne actuellement sur le marché obligataire.
La Française s’est contenté d’apporter son soutien au principe de « discipline fiscale » promu par la Commission européenne, dont la présidente sortante Ursula von der Leyen a été réélue jeudi pour un second mandat.
La banque centrale peut contrer une flambée des taux d’emprunt souverains via des rachats illimités de dette, mais ils sont conçus « pour les pays qui subissent une attaque injustifiée du marché, et non pour les pays qui prennent une mauvaise direction budgétaire », note Felix Schmidt, analyste de Berenberg.