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La BCE ajoute 600 milliards d’euros à son programme de soutien


Lagarde a dans le même temps mis l'accent sur les données d'inflation qui restent "beaucoup trop élevées", même si les hausses de prix ont ralenti après le pic de plus de 10% en octobre. (Photo : AFP)

La Banque centrale européenne (BCE), qui s’attend à une baisse de 8,7% du PIB de la zone euro en 2020, a renforcé et prolongé jeudi son arsenal de soutien à l’économie, tant l’impact du nouveau coronavirus promet de se faire sentir encore plusieurs années.

La Banque centrale européenne s’attend à une baisse de 8,7% du PIB de la zone euro en 2020 en raison de la crise sanitaire, avant un rebond de 5,2% en 2021 et de 3,3% en 2022, a expliqué jeudi la présidente de l’institution, Christine Lagarde.

Ces projections sont cependant entourées d’une « incertitude exceptionnelle », a noté Mme Lagarde, ajoutant que la « durée de la contraction et la reprise dépendront de la durée et de l’efficacité » des mesures de confinement, des politiques de relance et de soutien de l’emploi, et de « l’impact durable » de la pandémie de coronavirus sur la demande.

Forgé en mars et initialement doté de 750 milliards d’euros jusqu’en fin d’année pour racheter des obligations publiques et privées, le programme PEPP a été gonflé de 600 milliards d’euros, a annoncé une porte-parole. Il a également été prolongé jusqu’à « au moins fin juin 2021 », signe que la réponse monétaire au choc sanitaire prendra plus de temps qu’initialement prévu.

La BCE a aussi indiqué qu’elle allait réinvestir à leur échéance les titres participant au PEPP jusqu’à « au moins la fin 2022 », ce qui lui permet de piloter ce stock d’actifs sur le long terme, comme elle le fait déjà depuis 2015 pour son programme « QE » de rachats d’actifs. Cette décision « est importante », puisque l’institut pourra utiliser « plus longtemps » la souplesse offerte par le PEPP, en concentrant par exemple ses achats sur les pays les plus touchés, décrypte Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management.

La «clé de répartition», un chantier risqué

Enfin, l’institut a maintenu ses taux directeurs à leur plancher historique, afin de stimuler l’offre de crédit en zone euro à destination des ménages comme des entreprises. Le principal taux d’intérêt reste à zéro, tandis que les banques se verront appliquer un prélèvement de 0,50% sur une fraction des dépôts qu’elles confient à la banque centrale au lieu de les prêter à leurs clients.

Comme les États de la zone euro s’endettent de manière exponentielle, sans parler d’un possible emprunt européen à venir, la BCE pourrait débattre de la « clé de répartition » des rachats de dette souveraine, prévue pour refléter la part de chaque État membre dans son capital, estime Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste à la KfW. Des écarts par rapport à cette règle ont été observés dans le cadre du PEPP, mais « pour la plupart négligeables et moins importants qu’attendu pour l’Italie », pays frappé de plein fouet par la crise sanitaire, note Chiara Cremonesi, stratégiste chez UniCredit.

Mais ouvrir ce chantier aussi technique que politique comporte un risque majeur : dans un arrêt retentissant début mai, la Cour constitutionnelle allemande a sommé la BCE de justifier d’ici août ses rachats de dette, tout en faisant des « clés de répartition » une condition de leur validité.

Certes, Mme Lagarde devrait répéter que la BCE n’est soumise qu’à la Cour de justice de l’Union européenne, qui a adoubé ses rachats d’obligations. Mais cette menace judiciaire pourrait raviver les craintes d’un éclatement de la zone euro, surtout « si le fossé économique se creuse à nouveau » entre pays membres et que la BCE est bridée dans son action, avertit Carsten Brzeski.