La filiale luxembourgeoise de la Landsbanki et l’ancien patron de la banque islandaise ont été renvoyés en correctionnelle, où ils seront jugés pour une escroquerie aux emprunts hypothécaires accordés en France à des épargnants dont le chanteur Enrico Macias.
Dans son ordonnance signée le 24 septembre et dont l’AFP a eu connaissance, outre la Landsbanki Luxembourg et l’ancien président du conseil d’administration de la maison-mère, Björgolfur Gudmundsson, le juge Renaud van Ruymbeke a renvoyé en correctionnelle six cadres et dirigeants de la banque, ainsi qu’un dirigeant et un salarié d’un cabinet de gestion de patrimoine du sud-est de la France, a-t-on précisé.
En manque de liquidités, la Landsbanki avait, via sa filiale luxembourgeoise, proposé de 2006 à 2008 à des centaines d’épargnants fortunés d’hypothéquer leur maison en contrepartie de prêts avantageux.
Le montage impliquait que l’emprunteur reçût une partie de la somme, tandis que la banque réinvestissait le reste sur les marchés. La valeur de ce portefeuille devait couvrir l’intégralité de l’emprunt, qui n’était remboursable qu’à son terme.
Mais dans la foulée de la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers en septembre 2008, plusieurs banques islandaises s’étaient effondrées, dont la Landsbanki, nationalisée en urgence, et qui a entraîné sa filiale luxembourgeoise dans sa chute.
Les placements proposés par Landsbanki Luxembourg ont perdu la majeure partie de leur valeur. Et le liquidateur de la banque a exigé le remboursement de l’emprunt, faute de quoi le bien hypothéqué était sous la menace d’une saisie alors qu’un placement sans risque avait été promis.
« Entêtement » de la banque
D’où les plaintes des particuliers à partir de 2009 dans la foulée d’Enrico Macias, qui avait contracté en 2007 un prêt d’une valeur de 35 millions d’euros auprès de Landsbanki, dont 26 millions étaient dans un portefeuille géré par la banque.
Certains ont été ruinés et accusent la banque d’avoir sciemment proposé le montage financier sans vérifier les capacités de remboursement. Plus de 110 épargnants, pour la plupart fortunés, sont parties civiles. «Beaucoup sont menacés par la saisie de leur résidence principale», relève le juge van Ruymbeke dans son ordonnance.
Au terme de son instruction, le magistrat estime que le consentement des clients de la Landsbanki Luxembourg, créée au début des années 2000 pour pénétrer les marchés espagnol puis français, a été «vicié par des informations mensongères quant à la solvabilité et aux modes de gestion de la banque». Ils auraient été trompés par l’assurance que les remboursements seraient couverts par les revenus des produits financiers souscrits.
Le juge van Ruymbeke a dénoncé «un édifice qui reposait sur de la cavalerie» dont «le premier bénéficiaire» était à ses yeux M. Gudmundsson, qui présida un temps le club anglais de West Ham et fut classé avant sa faillite par le magazine Forbes au 1.014ème rang de son classement des fortunes mondiales.
Le magistrat relève aussi un «manque de sérieux dans le développement à haut risque de la banque, organisé et planifié de façon inconsidérée dans l’intérêt exclusif de ses actionnaires et dirigeants». Pour Bernard Dartevelle, avocat de la banque, ces allégations «ne reposent, hormis un courriel, sur aucun élément matériel. Le juge n’a retenu que les déclarations des parties civiles».
Ce renvoi devant un tribunal est «une étape essentielle» pour tous ceux qui ont subi «les pratiques honteuses du monde bancaire», a réagi une association de victimes.
«La banque a refusé depuis le départ toute négociation, toute discussion. Nous avons essayé d’expliquer que leur comportement était anormal. Leur renvoi en correctionnelle n’est que la conséquence de leur entêtement», a estimé de son côté Edouard de Lamaze, avocat de parties civiles, dont Enrico Macias.
AFP/M.R.