L’influent président de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann, figure de l’orthodoxie monétaire, quitte son poste bien avant la fin de son mandat et à un moment clé pour l’avenir de la politique monétaire européenne.
L’annonce de son départ, au 31 décembre, intervient également au moment où l’Allemagne s’apprête à tourner la page Angela Merkel, à laquelle était liée la carrière de ce banquier central qui a incarné l’obsession du pays pour la lutte contre l’inflation.
« Je suis arrivé à la conclusion qu’après plus de 10 ans, c’est le bon moment pour ouvrir un nouveau chapitre – pour la Bundesbank (la Banque fédérale d’Allemagne), mais aussi pour moi personnellement », écrit le président de la « Buba » dans une lettre aux salariés de l’institution. Son mandat, le second depuis 2011, n’aurait dû s’achever qu’en 2027.
La démission de M. Weidmann sonne comme un aveu d’échec pour ce chef de file des « faucons » prônant l’orthodoxie monétaire, face aux « colombes » plus laxistes au sein du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE). Arrivé à la tête de la banque centrale allemande en plein crise de l’euro et de la dette grecque, il n’a pu empêcher, en une décennie, la perte d’influence de l’Allemagne sur la politique monétaire menée par la BCE.
Avertissement
Les réticences qu’a longtemps manifestées M. Weidmann face au cap expansionniste pris par la BCE ces dernières années se font encore sentir dans sa lettre de départ : à l’avenir, il sera « crucial (…) de ne pas considérer seulement les risques de déflation, mais aussi de ne pas perdre de vue les risques d’inflation potentiels », qui suggèrent une politique monétaire plus restrictive, écrit-il. La politique monétaire devra en outre « respecter son mandat étroit et ne pas se laisser entraîner par la politique budgétaire ou les marchés », ajoute-t-il.
Or les mois à venir annoncent une discussion âpre au sein du conseil des gouverneurs de la BCE sur le caractère temporaire ou non de l’inflation élevée qui sévit en zone euro et la réponse monétaire à y donner. M. Weidmann préfère se retirer avant que le débat ne devienne trop tendu, estime une source proche du sujet. Sa décision a été prise dès cet été, mais il n’a pas voulu l’annoncer pour ne pas risquer d’influencer l’issue des élections législatives allemande qui se sont tenues le 26 septembre, ajoute cette source.
« Le camp des faucons perd une voix importante », commente Carsten Brzeski, économiste chez ING. M. Weidmann plaide déjà depuis plusieurs mois pour que la BCE songe à resserrer la vis du crédit après avoir déployé un arsenal de mesures exceptionnelles de soutien face à la crise du coronavirus.
En raison de ses prises de positions régulièrement perçues comme trop rigides, la candidature de M. Weidmann avait été bloquée en 2019 par la France et les pays endettés du sud de la zone euro alors qu’il était pressenti pour succéder à Mario Draghi à la tête de la BCE.
Lagarde perd « un ami »
Celle qui a hérité du poste, Christine Lagarde, « respecte », mais « regrette aussi énormément » l’annonce du départ de M. Weidmann, en qui elle voit un « bon ami », selon un communiqué de l’institution. La responsable française loue notamment la « volonté de trouver un compromis » chez le banquier allemand, qui s’est dernièrement manifestée quand la BCE a adopté après débat une nouvelle stratégie révisant la cible d’inflation.
Le président allemand, Walter Steinmeier, doit encore avaliser la demande de M. Weidmann d’être démis de ses fonctions. La nomination de son successeur s’annonce comme l’une des premières décisions fortes du gouvernement, probablement dirigé par le centriste Olaf Scholz, qui prendra la suite de l’équipe d’Angela Merkel.
Vainqueur des dernières élections, le Parti social-démocrate (SPD) négocie actuellement avec les Verts et les libéraux du FDP la formation d’une coalition qui pourrait adopter une orientation moins rigide côté politique budgétaire.
LQ/AFP