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Irlande du Nord : le ton monte entre l’UE et le Royaume-Uni


"Si le Royaume-Uni prend de nouvelles mesures unilatérales dans les prochaines semaines, l'UE ne manquera pas de réagir rapidement, fermement et résolument", avertit le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic. (photo AFP)

Une « guerre des saucisses » menace-t-elle ? Le ton monte entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sur l’application des dispositions commerciales post-Brexit en Irlande du Nord, Bruxelles avertissant mardi d’une réaction ferme si Londres ne respecte pas ses engagements.

A la veille d’une réunion à Londres censée aplanir les tensions et à trois jours du sommet du G7 sous présidence britannique, le protocole nord-irlandais, âprement négocié dans le cadre du Brexit, empoisonne les relations entre les deux parties, s’accusant mutuellement de manquer de bonne volonté dans sa mise en œuvre. Ce texte accouché dans la douleur en 2019 maintient de fait la province britannique d’Irlande du Nord dans le marché unique et l’union douanière européens pour les marchandises, en prévoyant des contrôles douaniers sur les biens arrivant en Irlande du Nord depuis la Grande-Bretagne.

Il s’agit d’éviter le retour d’une frontière physique entre la province britannique et la République d’Irlande, membre de l’Union européenne, afin de préserver la paix conclue en 1998 après trois décennies sanglantes entre unionistes favorables au maintien sous la couronne britannique et républicains favorables à la réunification de l’île. Mais le protocole provoque le mécontentement des unionistes, qui dénoncent l’introduction de fait d’une frontière en mer d’Irlande, au sein du Royaume-Uni. Après plusieurs soirées de violences début avril, les craintes de nouveaux heurts cet été augmentent, quand des marches orangistes commémoreront en juillet la domination protestante sur la province.

Selon le journal The Telegraph, Londres envisage une extension de la période de grâce pour la viande réfrigérée, censée s’achever le 30 juin, afin de garantir les importations de saucisses britanniques en Irlande du Nord – les importations de viande sont normalement interdites depuis un pays hors UE.

« Si le Royaume-Uni prend de nouvelles mesures unilatérales dans les prochaines semaines, l’UE ne manquera pas de réagir rapidement, fermement et résolument pour assurer que le Royaume-Uni respecte ses obligations légales internationales », a averti le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, dans le quotidien. Il a rejeté les accusations du ministre britannique des Relations européennes David Frost, ancien négociateur en chef britannique pour le Brexit, qui a accusé Bruxelles de se montrer « inflexible » dans l’application du protocole. Les deux hommes doivent s’entretenir mercredi à Londres.

« L’UE a démontré depuis le tout début que nous sommes prêts à trouver des solutions créatives quand c’est nécessaire », a souligné Maros Sefcovic. « Mais nous ne pouvons pas le faire seuls ».

« Interdiction absurde »

Face à la grogne des unionistes, le gouvernement britannique avait déjà repoussé unilatéralement la période d’adaptation sur certains contrôles, notamment pour l’agroalimentaire. Cette mesure, nécessaire selon Londres pour préserver l’intégrité du marché intérieur britannique, avait poussé la Commission européenne à engager une procédure d’infraction contre le Royaume-Uni.

« Ce que nous voulons vraiment que l’UE fasse (…), c’est de mettre en place des mesures raisonnables pour retirer des choses comme l’interdiction absurde de la vente de saucisses ou de nuggets de poulet vers l’Irlande du Nord », a déclaré sur Sky News le ministre britannique de l’Environnement, George Eustice. « Le protocole envisage toujours que les deux parties fassent preuve de bonne volonté pour faire marcher le protocole nord-irlandais, et cela inclut de reconnaître que l’Irlande du Nord fait partie intégrante du Royaume-Uni et qu’il faut soutenir la libre circulation des marchandises vers l’Irlande du Nord », a-t-il affirmé.

La question du protocole nord-irlandais risque fort aussi de s’inviter en fin de semaine au sommet des chefs d’État et gouvernement du G7 en Cornouailles (Angleterre). Lors d’une bilatérale avec le Premier ministre britannique Boris Johnson, le président américain Joe Biden, fier de ses origines irlandaises, pourrait réaffirmer son attachement au protocole nord-irlandais.

Lors d’un entretien téléphonique avec le président français Emmanuel Macron lundi, Boris Johnson avait souligné que « le Royaume-Uni comme l’UE ont la responsabilité de trouver des solutions pour répondre aux problèmes du protocole ». Mais « la patience de l’UE a ses limites et si ça continue, nous n’aurons d’autre choix que de considérer tous les outils et toutes les options qui s’offrent à nous », a-t-on indiqué de source européenne.

LQ/AFP