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Internet : fin de l’obligation d’accepter les cookies, la pub inquiète


Concrètement, la Cnil souhaite que le consentement soit explicite et que le bouton "Refuser tout" soit affiché avec le même habillage graphique que "Tout accepter". (illustration AFP)

Pour les cookies, c’est la fin du sursis : la Cnil, régulateur français des données personnelles, sanctionnera à partir du 1er avril les éditeurs qui pistent les internautes sans leur feu vert. De quoi chambouler l’industrie de la pub sur internet ?

En octobre, la Commission nationale informatique et liberté avait publié sa « recommandation » sur la publicité ciblée, fruit d’un long travail de concertation pour appliquer les principes du règlement européen sur les données personnelles (RGPD), entré en vigueur en 2018. Malgré ce délai, la France est « parmi les premiers en Europe à fixer un cadre très clair », s’était alors félicitée la présidente de la Cnil Marie-Laure Denis.

Concrètement, le régulateur souhaite que le consentement soit explicite et que le bouton « Refuser tout » soit affiché avec le même habillage graphique que « Tout accepter ». Cette possibilité est encore souvent cachée dans de multiples sous-menus pour décourager l’utilisateur, quand elle n’est pas tout simplement indisponible.

La Cnil avait laissé six mois aux éditeurs de sites et d’applications mobiles pour s’adapter. Dans l’intervalle, elle a toutefois sanctionné Google et Amazon avec des amendes record de 100 et 35 millions d’euros en raison de bandeaux d’information non conformes, sur la base d’une législation antérieure au RGPD.

Avec la baisse drastique attendue des taux de consentement des internautes, les publicitaires craignent une perte de précision dans la mesure de l’audience des sites, et de l’efficacité des annonces. « On a prévenu nos clients : ne paniquez pas si vous voyez des chutes dans les taux de conversion. (…) En avril, il n’y aura pas de chute des ventes, simplement vous serez moins capable de les corréler à des investissements marketing », explique Pierre Calmard, le président de Dentsu France, filiale du groupe de communication japonais.

Le Monde teste un « cookie wall »

« Demain, il y aura de plus en plus de contreparties au partage des données personnelles », affirme le dirigeant, qui cite par exemple des « avantages » au sein du programme de fidélité Flying Blue d’Air France dont la communication est confiée à une agence de Dentsu. Selon lui, l’internaute y trouve également un autre intérêt : « Plus on cible, moins il y a de pub. Et plus on s’accroche à son non-consentement, plus on reçoit n’importe quoi. »

Pour préserver un accès aux précieuses données personnelles, certains sites comme le quotidien Le Monde tentent également de s’engouffrer dans la brèche du « cookie wall », une pratique qui vise à conditionner l’accès à un contenu au dépôt de cookies. Le Conseil d’État a décidé en juin 2020 que la Cnil ne pouvait pas l’interdire totalement, tant qu’il existe des alternatives (comme l’abonnement) au recueil des données personnelles.

Enfin, « on a la possibilité de servir de la publicité sans données personnelles » en fonction de mots-clés dans l’article, indique Sébastien Noël, directeur délégué de la régie du journal. « On sera toujours Le Monde, la publicité sera affichée sur un contenu de qualité, il n’y a pas de raison de baisser sa valorisation », assure-t-il.

« Le cookie a été diabolisé, on annonce sa mort », dit le directeur général de l’Union des marques Jean-Luc Chetrit. « Il faut trouver une substitution intelligente, qui ne mette pas entre les mains de quelques-uns la capacité de connaître les centres d’intérêt » des internautes, et notamment les géants publicitaires Google et Facebook qui disposent d’un écosystème authentifié.

Google entend d’ailleurs proposer dans son navigateur Chrome un nouveau système de ciblage fondé sur des groupes d’audiences (des « cohortes ») définies en fonction de la navigation des utilisateurs. « Si les cohortes peuvent nous permettre de retrouver une forme de personnalisation intelligente mais non intrusive, on s’en réjouit, mais on reste précautionneux », déclare Jean-Luc Chetrit.

Début mars, les éditeurs européens se sont dits « sérieusement préoccupés » par le projet de Google, qui permettrait « en fin de compte » au groupe californien « d’étendre davantage son propre monopole sur les données ». Des associations de défense des internautes craignent un système opaque qui conduise à des abus, comme des discriminations ou une prédation publicitaire.

LQ/AFP