L’insatiable homme d’affaires Patrick Drahi, déjà propriétaire de Numericable-SFR, a décidé de mettre 10 milliards d’euros sur la table pour racheter Bouygues Telecom, une opération à laquelle le gouvernement s’est montré totalement hostile ce dimanche.
Une telle offre, si elle aboutit, chamboulera profondément le paysage des télécoms français et surtout celui de la téléphonie mobile, qui était passé de trois à quatre opérateurs en janvier 2012 avec l’arrivée fracassante de Free Mobile.
« La consolidation n’est pas aujourd’hui souhaitable pour le secteur. L’emploi, l’investissement et le meilleur service aux consommateurs sont les priorités. Or les conséquences d’une consolidation sont à ces égards négatives, comme l’ont prouvé les cas récents en Europe », a vivement réagi le ministre de l’Economie Emmanuel Macron.
« Le temps n’est pas à des rapprochements opportunistes auxquels plusieurs peuvent trouver un intérêt qui ne retrouve pas ici l’intérêt général », a-t-il ajouté en réaction aux informations sur cette offre dévoilée dimanche par le JDD. « SFR et Numericable avaient pris des engagements en matière d’investissements, l’ensemble du territoire n’est pas couvert à ce jour », a renchéri dimanche soir le secrétaire d’Etat au Budget Christian Eckert à l’émission Tous Politiques. L’offre de rachat sera examinée « mardi » ou « en début de semaine » par le conseil d’administration de Bouygues Telecom, ont indiqué deux sources proches du dossier.
L’homme d’affaires franco-israélien Patrick Drahi, à la tête d’un empire des médias et des télécommunications en France comprenant notamment les publications L’Express et Libération, avait réussi en mars 2014 à s’emparer de SFR à l’issue d’une longue bataille avec Bouygues Telecom, en le rachetant à Vivendi pour 13,36 milliards d’euros.
Le schéma actuellement en discussion pour la prise de contrôle de Bouygues Telecom prévoit également d’associer l’opérateur Free (groupe Iliad) qui récupèrerait une partie des fréquences, antennes et boutiques de Bouygues Telecom, selon le JDD.
« Il s’agit de l’offre la plus aboutie et la plus sérieuse » de ces dernières années en matière de recomposition du paysage français des télécoms, a analysé une source proche du dossier, avant de souligner que le conseil d’administration de Bouygues Telecom peut aussi la rejeter.
AFP
Les quatre acteurs de la téléphonie en France
En France, quatre grands opérateurs se partagent le marché de la téléphonie mobile depuis l’arrivée de Free Mobile en janvier 2012, mais les cartes pourraient être rebattues dans le cas du succès de l’offre de rachat de Numericable-SFR sur Bouygues Telecom.
– ORANGE : opérateur historique et leader du secteur, Orange comptait à fin mars 2015 un total de 27,3 millions de clients mobiles, et 10,421 millions d’abonnés en internet haut débit. Il emploie quelque 98 000 salariés en France (et en compte 154 000 au niveau du groupe en comptant ses filiales). En 2014, le groupe a vu son résultat net presque divisé par deux par rapport à 2013, à 1,22 milliard d’euros, mais a affirmé avoir atteint l’ensemble de ses objectifs. Pour le premier trimestre 2015, il a fait état d’un chiffre d’affaires en légère baisse de 1,4%, à 9,67 milliards d’euros.
– NUMERICABLE-SFR : l’ex-filiale télécom de Vivendi a été rachetée par Altice-Numericable en 2014 pour 13 milliards d’euros, et comptait un total de 10 591 salariés au 31 décembre 2014. Le nouvel opérateur Numericable-SFR a retrouvé la rentabilité au premier trimestre 2015, affichant un bénéfice net de 816 millions d’euros, fruit des synergies réalisées depuis l’intégration de SFR. Il comptait au 31 mars 22,49 millions de clients mobiles, 6,52 millions d’abonnés à la téléphonie fixe, 1,59 million d’abonnés au très haut débit et 4,9 millions d’abonnés à haut débit ADSL.
– FREE MOBILE : dernier arrivé sur le marché avec des prix défiant toute concurrence, il comptait un total de 10,5 millions d’abonnés mobiles, auxquels s’ajoutent 5,9 millions d’abonnés haut débit au 31 mars 2015. En mai dernier, Free Mobile est passé devant Numericable-SFR en nombre de sites 4G. Free, qui à ses débuts louait une partie du réseau d’Orange pour acheminer ses appels, est en train de compléter son propre réseau. En avril dernier, il a annoncé couvrir désormais 78% de la population en propre. En 2014, le groupe Iliad, maison-mère de Free, a dégagé un bénéfice net en hausse de 4,9% à 278,4 millions d’euros. Il comptait 7 164 salariés à fin 2014.
– BOUYGUES TELECOM: la filiale télécoms du groupe Bouygues comptait 11,273 millions d’abonnés mobiles à la date du 31 mars 2015. En 2014, l’opérateur est retombé dans le rouge avec une perte nette de 41 millions d’euros, et au premier trimestre 2015, il a accusé une perte nette de 49 millions d’euros. Au 31 décembre 2014, Bouygues Telecom comptait 8 817 salariés. Outre ces quatre grands opérateurs de réseau, on dénombre une quarantaine de petits opérateurs dits « virtuels » – tels La Poste Mobile ou Auchan Telecom – car ne possédant pas de réseau en propre et qui louent des capacités aux grands acteurs.