Dans un centre d’essais qui se déploie en pleine campagne anglaise, un 4×4 Grenadier à moteur à hydrogène fabriqué par Ineos s’agrippe aux routes accidentées, pour démontrer ses capacités tout-terrain.
Ce nouveau véhicule se veut adapté à l’objectif de neutralité carbone du Royaume-Uni, d’autant que les moteurs à hydrogène sont considérés comme encore moins polluants que ceux qui fonctionnent à batterie électrique. Mais il est encore bien loin de la production en série.
En cause: le manque d’infrastructures pour faire le plein, les coûts élevés pour isoler l’hydrogène sous forme pure, alors même que c’est l’élément le plus présent sur la Terre, et un manque de volonté du gouvernement britannique comparé à d’autres pays européens.
Faire ce prototype était « une évidence » pour Ineos, a confié à un groupe de journalistes cette semaine Lynn Calder, la directrice générale d’Ineos Automotive, filiale du groupe de pétrochimie et propriété du milliardaire anglais Jim Ratcliffe, à qui appartient par ailleurs le club de football Manchester United.
Les véhicules à hydrogène fonctionnent grâce à une forme pure du gaz combinée à de l’oxygène dans une cellule à combustion qui génère de l’électricité, et ne dégage que de la vapeur d’eau. Ils permettent un rayon de trajet plus étendu et se rechargent plus facilement que les véhicules électriques.
Des bus fonctionnant à moteur à hydrogène, des camions et des minivans sont d’ailleurs déjà sur le marché, fabriqués par un petit nombre de constructeurs comme Hyundai, Renault, Toyota et Vauxhall.
Un modèle électrique en préparation
Mais Ineos Automotive, une start-up, estime n’avoir pas encore les reins financiers assez solides pour soutenir le déploiement d’une telle technologie dans l’environnement actuel: il faudra attendre au moins la prochaine décennie et elle va d’ici là « garder au chaud » son prototype, avertit Mme Calder.
En attendant, l’entreprise prévoit de lancer un modèle électrique 4×4 en 2027, la Fusilier, à l’heure où le gouvernement britannique a mis sous pression les constructeurs pour décarboner leur production.
A partir de 2035, la vente de nouveaux véhicule à essence et diEsel et les hybrides sera en effet interdite dans le pays – un objectif identique à celui de l’Union européenne.
Pour Lynn Calder, cet objectif n’est « pas tenable » – alors même que le Premier ministre conservateur Rishi Sunak a déjà repoussé de cinq ans la date initiale de l’interdiction. Elle critique « un plan en l’air sans aucune stratégie derrière ».
Le ministère britannique des Transports assure de son côté avoir mis en place des incitations pour aider les constructeurs à passer à une production de véhicules moins polluante.
Il ajoute que la demande de véhicules électriques est élevée – mais les données récentes montrent des ventes qui ralentissement au Royaume-Uni et ailleurs.
Un manque de stations hydrogène
En ce qui concerne les infrastructures, il y a plus de 61.000 bornes publiques de chargement au Royaume-Uni, en hausse de 44% sur un an, selon le gouvernement.
L’hydrogène, lui, est loin derrière: il n’y avait que 921 stations de ravitaillement dans le monde à fin 2023, d’après le cabinet de conseil LBST, la Chine en tête, avec 200, soit le double de l’Allemagne, le leader européen. Au Royaume-Uni: six.
Le secteur automobile britannique déplore un manque de volonté de l’Etat et d’incitations, à destination notamment des particuliers.
A quelques mois d’élections législatives pour lesquelles les travaillistes sont donnés gagnants dans les sondages, Greenpeace voudrait bien voir le principal parti d’opposition réinstaurer, s’il était élu, la date de 2030 qui avait initialement été fixée par les conservateurs pour l’interdiction des véhicule à combustion.
L’ONG demande aussi aux autorités de mettre les gaz pour le développement du réseau de stations de chargement pour véhicules électriques. Mais elle ne croit pas à l’hydrogène, du moins pas à moyen terme. Vu le caractère encore embryonnaire des infrastructures, ce n’est pas encore une option viable pour « le transit de masse », tranche Paul Morozzo, un spécialiste des transports chez Greenpeace, interrogé par l’AFP.