Environ 20 000 frontaliers travaillent à Copenhague et vivent du côté suédois. La question d’une compensation financière a été réglée en quatre ans, dès 2004, là où le Grand-Duché traîne avec ses voisins.
Au pays du tomte (lutin des forêts), personne n’évoque les «décorations de Noël» (souvenons-nous de Xavier Bettel en mars) pour parler du sujet. Fin 2018, pour environ 20 000 travailleurs frontaliers entre le comté de Scanie et Copenhague, le Danemark a reversé «843 651 000 couronnes soit 112 979 659 euros à la Suède», nous explique Mats Andersson, le directeur adjoint du département des impôts du ministère des Finances de Suède. Colossal!
«Cette compensation reflète le fait que la grande majorité des travailleurs frontaliers résident en Suède, plutôt que l’inverse», précise Mats Andersson. Depuis 2004, les deux États se livrent à une soustraction du nombre de frontaliers pour comptabiliser les retours d’impôt dus.
Compenser quoi, au juste? «On pourrait dire que les frontaliers reviennent dans leur pays (Suède) avec de l’argent, et qu’il n’y a pas besoin d’un accord complémentaire», tente-t-on. «Si, répond Mats Andersson, l’accord vise à compenser les coûts supportés par les communes de résidence pour les travailleurs frontaliers qui y vivent sans payer d’impôt communal sur le revenu.»
«Des frais tels que les écoles et crèches des frontaliers»
Le ministère des Impôts danois, que nous avons pu joindre via un contact diplomatique, confirme : «Les communes suédoises assument des frais tels que les crèches et écoles des enfants des frontaliers.»
Avant la convention danoise, entrée en vigueur en 2004, les frontaliers étaient imposés dans leurs pays de résidence. Mais ils n’étaient que 2 000 «navetteurs» au sens premier du terme : ils prenaient le bateau! La construction du pont de l’Oresund, achevée en 2000, a entraîné un boom des frontaliers : dès 2009, ils étaient près de 20 000.
Évidemment, on pourrait dire qu’en Lorraine, les communes ne perçoivent pas d’impôt sur le revenu. Mais qui le touche alors, et qui paye pour ce manque à gagner? L’État français lui-même, donc le travailleur de Bordeaux ou de Lyon (un «État» n’est pas une abstraction) pendant que l’un des pays les plus prospères d’Europe s’en lave les mains.
Il faut enfin ajouter le manque à gagner – pour le coup très concret – des intercommunalités frontalières sur l’impôt des entreprises : les boîtes sont massivement au Grand-Duché, dans le jeu du travail pendulaire, et les communes frontalières sont par conséquence majoritairement plus pauvres que la moyenne française des villes de la même strate.
Hubert Gamelon