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Il veut devenir le « premier producteur de véhicules électriques au Luxembourg »


Illya Cadivel ambitionne de révolutionner la mobilité électrique depuis le Luxembourg (Photo : François Aussems).

Illya Cadivel veut «devenir le premier producteur de véhicules électriques au Luxembourg». Rien que ça! Rencontre avec un inventeur qui promet de dévoiler un bus révolutionnaire à l’automne prochain.

Son concept? « Livrer, partout dans le monde, depuis le Luxembourg, des bus qu’on pourra commander sur le net. Et, autre difficulté, des bus qui se rechargent à l’air comprimé. Oui, rien que ça », sourit Illya Cadivel.
Ce discours remonte au 28 juin 2017, lors d’une conférence organisée par Paperjam chez PwC Luxembourg… où notre intervenant ne devait pas être le seul à sourire. Ce Réunionnais, fondateur de la société Levidac Lux, clamait alors vouloir produire «les véhicules propres de demain» dans un pays qui n’a jamais produit de voitures : le Grand-Duché. Oui, il y a de quoi sourire, en lui souhaitant bonne chance!
Un an plus tard, nous faisons sa rencontre, à Luxembourg. Sacré personnage. Une pile électrique à haut voltage verbal, un C. V. de self-made-man à l’américaine… tout cela pour nous faire découvrir dans un garage discret en centre-ville un minibus qui semble tout à fait ordinaire. Mais la révolution, dit-il, se trouve sous la carcasse de ce véhicule d’essai : structure allégée et «moteur révolutionnaire» de son invention.

Les projets maudits de moteurs à air comprimé
L’histoire d’Illya Cadivel est trop longue à raconter. Bornons-nous aux grandes lignes : né à la Réunion, une grand-mère indo-chinoise, un père passionné d’automobile qui lui transmet la flamme avec une bande dessinée sur l’emblématique Mehari de Citroën… Illya arrive dans l’Hexagone à 9 ans. Après un BTS mécanique et automatisme industriel, il rentre très jeune chez Renault, où il participe à la modernisation du process industriel. Remarqué, il devient consultant pour le groupe Altran, participe au projet de la Mini Phase 2. Il reçoit «un gros chèque» qui lui permet de lancer ses projets. L’idée de véhicule électrique lui trotte dans la tête. Retour à la Réunion, où il s’essaie à électrifier des véhicules : bus, tracteurs, petites voitures…
«C’est là que je me suis fait repérer par la France», poursuit-il. Il accompagne une délégation économique officielle, qui le mène en Chine. Des sociétés chinoises se montrent intéressées par ses concepts.

Illya Cadivel à côté de son «range-extender», l'une des pièces maîtresses de son véhicule électrique, car elle vise à augmenter son autonomie significativement.

Illya Cadivel à côté de son «range-extender», l’une des pièces maîtresses de son véhicule électrique, car elle vise à augmenter son autonomie significativement.

Là encore, difficile de tous les détailler… et de vérifier. Citons, en premier lieu, le «range extender» : «C’est un prolongateur d’autonomie, qui fonctionne avec de l’air comprimé. On a développé un concept de microturbine pour améliorer le rendement d’un générateur électrique fonctionnant à l’air comprimé.»
Un concept qu’il dit avoir déjà testé avec succès sur un tracteur utilisé dans les vignes d’un producteur de Champagne. Mais qui rappelle aussi l’Airpod, ce projet maudit de voiture à air comprimé imaginée par un ingénieur français, qui séduira jusqu’au patron de Tata Motors… avant de retomber dans l’oubli.
Autre concept : diviser par deux le poids d’un véhicule, «en faisant des châssis en nid d’abeille, et en utilisant une structure alvéolaire et des matériaux composites pour la carrosserie.» Une autre particularité de son système de véhicule électrique, «c’est qu’au lieu de mettre un gros moteur, on en met un petit dans chaque roue, ce qui consomme moins d’énergie, et qui permet à chaque roue de freiner, d’accélérer, de récupérer l’énergie cinétique…»

«Une cassure industrielle»
Des concepts qui ont intéressé la société chinoise de transport Dongfeng Yangtse : «On les a emmenés en Espagne pour leur montrer comment on fait l’électronique, en France, comment on fait le châssis allégé, en Allemagne pour voir comment marchent les microturbines…» Finalement, la société chinoise acquiert la licence d’exploitation sur le châssis allégé. «Depuis un an, ils produisent 40 000 bus par an sur la base de ce concept», affirme-t-il.
Ces bus électriques chinois offrent pour l’instant une modeste autonomie d’une centaine de kilomètres. Mais son ambition est de combiner tous ses concepts pour démultiplier cette autonomie.
Face à ces belles promesses, on ne demande qu’à voir… pour le croire! Lui répond réserver des surprises au Luxembourg à l’automne prochain. «On construit actuellement un bus qui sera présenté officiellement en septembre, donc le gouvernement sera invité. Un bus qui sera donc électrique, plus léger et capable de rouler sans chauffeur.» Il annonce vouloir aussi «tenter un record du monde» : parcourir 2 000 km avec un véhicule de son invention, du Luxembourg jusqu’à l’Espagne.
Avec sa SARL Levidac Lux, une société «d’ingénierie et de production de véhicules électriques», il ambitionne donc de «devenir le premier producteur de véhicules électriques au Luxembourg». Pour ce faire, il «collabore notamment avec le ministère du Développement durable et des Infrastructures et le ministère de l’Économie», mais évoque aussi «des investisseurs luxembourgeois». Mais l’accueil est semble-t-il contrasté : «Officiellement, le projet intéresse, mais officieusement on n’a pas encore les mêmes facilités que d’autres start-up ici.»

Esprit Rifkin, es-tu là ? 
On décrit souvent le Luxembourg comme le terrain d’expérimentation idéal de la mobilité de demain. Illya Cadivel confirme, mais nuance : «Le Luxembourg vante aujourd’hui la révolution industrielle de Rifkin, mais si on veut aller vers ça, il faut mettre en place une véritable économie circulaire. En créant notamment les infrastructures manquantes, comme des bornes de recharge électriques fonctionnant de façon autonome avec des énergies renouvelables.»
Et surtout, il faudrait la volonté de tourner la page du gasoil et de l’essence, tout en misant sur les transports en commun, ce qui semble très prématuré au pays de l’auto reine… comme dans le reste du monde, d’ailleurs! «Oui, le monde automobile n’est pas prêt, ou refuse de l’être, car c’est une cassure industrielle. Mais je pense qu’il suffit d’un exemple viable de véhicule électrique pour que tout le modèle change.» Qui prend les paris?

Romain Van Dyck