Ancrage en Europe sur fond de guerre commerciale: le géant des télécoms Huawei, au coeur des tensions entre Pékin et Washington, va installer dans l’est de la France un site de production d’équipements liés notamment à la technologie 5G, sa première usine de ce type hors de Chine.
Le site, qui représentera un investissement minimal de 200 millions d’euros et emploiera dans un premier temps 300 personnes, produira ces solutions technologiques de réseaux mobiles pour l’ensemble du marché européen.
Selon Huawei, l’usine de Brumath, petite ville située à une dizaine de kilomètres au nord de Strasbourg qui dispose déjà d’une importante zone commerciale, devrait produire l’équivalent d’un milliard d’euros d’équipements par an.
« Avec cette usine implantée au carrefour de l’Europe, Huawei vient enrichir sa présence sur le continent déjà forte de 23 centres de R&D, de plus de 100 universités partenaires, de plus de 3 100 fournisseurs et d’une chaîne d’approvisionnement performante », a indiqué l’entreprise chinoise.
De quoi ravir Jean Rottner (Les Républicains, droite), président du conseil régional de la région Grand Est, pour qui l’annonce de l’implantation de la première usine de production hors de Chine de Huawei à Brumath représente « une excellente nouvelle qui témoigne de la dynamique économique de notre territoire transfrontalier ».
Ancrage en Europe
Cette usine européenne permettra à Huawei de s’offrir un point d’ancrage sur les terres d’origine de ses deux principaux concurrents sur le marché des équipements de télécommunications, le Suédois Ericsson et le Finlandais Nokia.
« Il s’agit de l’illustration du principe directeur qui régit notre travail ici: nous sommes en Europe et pour l’Europe », avait assuré le président de Huawei, Liang Hua, lors de la première annonce de ce projet d’implantation en France en février dernier.
Un choix stratégique qui intervient dans un contexte difficile pour le groupe chinois, sur fond de guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine.
Washington a appelé de nombreux pays, notamment européens, à ne pas utiliser les infrastructures Huawei pour le déploiement du nouveau réseau téléphonique 5G.
L’administration du président sortant Donald Trump a mis en avant un risque d’espionnage pour le compte du gouvernement chinois.
Ces accusations sont systématiquement niées par Huawei qui rappelle n’avoir jamais été pris en défaut de sécurité pendant ses 30 années d’existence, tout en attribuant l’offensive dont elle fait l’objet à la volonté des Etats-Unis d’éliminer un puissant concurrent.
La France entre ouverture et restriction
Si la France n’a jamais explicitement franchi le pas, refusant l’idée d’un boycott malgré de fortes restrictions, le Royaume-Uni et la Suède sont les deux pays européens à avoir officiellement exclu l’équipementier du réseau mobile de dernière génération.
Les opérateurs français utilisant déjà des équipements Huawei bénéficieront d’autorisations d’exploitation uniquement limitées à huit ans pour la 5G.
« Conscientes de la volonté manifeste de Huawei de s’implanter dans notre département, nous avons adressé au Premier ministre et à la Commission européenne un certain nombre de questions relatives à la sécurité et à la souveraineté économique, largement partagées par nos concitoyens », avait réagi dès mercredi la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian (EELV, écologiste).
« En responsabilité, je serai attentive aux conditions d’installation de Huawei à Brumath et à ses impacts sur le territoire », avait-elle ajouté.
De Paris à Nantes, qui ont lancé des consultations citoyennes, en passant par Grenoble et Lille, davantage en faveur d’un moratoire, la prudence des élus de gauche ou écologistes des grandes villes françaises l’emporte sur un déploiement rapide de la 5G.
Présent depuis 17 ans en France, Huawei emploie près de 1.000 collaborateurs. Considéré comme le plus avancé des trois principaux fournisseurs d’équipements 5G, le géant chinois a annoncé récemment plusieurs investissements en France, dont l’ouverture d’un centre de recherche à Paris en octobre dernier, dans le cadre d’une campagne visant à démontrer sa volonté de s’y implanter durablement.
AFP