Les hôteliers luxembourgeois ont gagné une bataille contre le géant booking.com, la plateforme toute-puissante de réservation en ligne qui, jusque-là, leur imposait une politique tarifaire. Mais la guerre est loin d’être gagnée.
La journée de l’hôtellerie regroupait récemment les professionnels luxembourgeois du secteur à Lipperscheid. L’occasion de faire le point sur les problématiques auxquelles doit faire face la profession. Et c’est notamment la question de la concurrence des plateformes de réservation en ligne qui a été mise en avant cette année. Les hôtels ne peuvent exister aujourd’hui sans des sites comme booking.com ou encore Expedia, qui trustent le marché des réservations de chambres d’hôtel sur internet.
Jusqu’à arriver à une situation de quasi-monopole leur permettant d’imposer leurs prix aux hôteliers. «La marge de ces sites est comprise entre 12 et 15%. Plus l’hôtelier paie, plus il est mis en avant sur le site. Par exemple, sur 100 euros que le client paie, l’hôtelier met 15% de cette somme de sa poche, alors qu’il a les frais pour le paiement par carte bleue, etc. C’est un gros manque à gagner pour la profession», explique Alain Rix, hôtelier et président de l’Horeca.
Les petits hôtels grands perdants
Les systèmes de paiement mis en place directement sur le site internet sont chers pour les petits hôtels, difficile donc pour les clients de s’y retrouver. Mais pour Alain Rix, les clients doivent avoir à l’esprit qu’en passant directement par l’hôtelier, la somme totale va dans sa poche, contrairement à ce qu’il se passe quand on passe par des plateformes comme booking.com : «Dans l’idéal, il faut bien sûr se renseigner comme tout le monde sur internet, mais le mieux est ensuite de contacter directement l’hôtel. Dans le pire des cas, le prix sera le même, mais bien souvent il est possible de trouver moins cher désormais», continue le président de l’Horeca. Bien sûr, la règle ne s’applique pas aux grands groupes, qui peuvent se permettre de signer des accords avec ces plateformes de réservation.
C’est l’Allemagne qui a démarré la bataille, en 2010, contre booking.com : «Nous avons argué du fait que la plateforme s’est trouvée dans une position dominante et que nous nous trouvions dans un cas de concurrence déloyale», explique Martin Luthe, directeur de l’Horeca Allemande (IHA). C’est cette année que les hôtels ont gagné leur bataille contre booking.com, avec la mise en place d’une coordination pour trouver un terrain d’entente avec le site de réservation : «Nous sommes très optimistes quant au fait que les autorités anti-trust émettent une amende sévère contre booking.com, c’est une semaine très excitante pour nous», a-t-il estimé.
Pour le représentant allemand, la même méthode est de mise, il faut privilégier l’accès direct au site de l’hôtel au moment où l’on effectue sa réservation, «le meilleur prix est là», assure Martin Luthe. Mais encore faut-il trouver le site de l’hôtel car les moteurs de recherche comme Google ne facilitent pas la tâche de l’internaute : «C’est vrai que Google n’est pas là pour nous aider, il a d’ailleurs été rappelé à l’ordre par la Commission européenne, car avec 90% de publicités en première page, il est parfois bien difficile de dénicher le site de l’hôtel que l’on recherche.»
Audrey Somnard
Airbnb aussi au Grand-Duché
L’Horeca s’inquiète d’un phénomène qui prend de l’ampleur et qui concurrence les hôtels traditionnels. Nombre de nuitées au Grand-Duché passent par le site Airbnb : que l’on soit de passage pour un entretien d’embauche, pour travailler au Luxembourg quelques jours par mois ou encore pour un week-end touristique, les chambres ou logements mis en location via la plateforme Airbnb se multiplient.
Simple exemple, si on recherchait vendredi un logement pour une nuit pour ce week-end, le site proposait 52 logements, de 30 à 490 euros la nuit. Autant de manque à gagner pour les hôtels traditionnels, selon Alain Rix : «Nous avons dénombré 400 chambres au Luxembourg inscrites sur ce site, cela va devenir un gros problème. C’est une concurrence tout simplement déloyale. Ces logements n’ont pas à répondre à toutes les normes des hôtels, et sans compter les impôts que ne paient généralement pas les propriétaires.»
Un phénomène marginal ? Pourtant, la secrétaire d’État au Tourisme, Francine Closener, ne voyait pas en Airbnb une menace cet été, jugeant le phénomène «marginal». L’Horeca et Alain Rix l’auraient alertée depuis sur la «menace» que représente Airbnb.
Des grandes villes, comme Paris ou encore Québec, ont pris des dispositions pour que les propriétaires de logements loués via Airbnb paient des taxes de séjour, les multipropriétaires étant traqués.
Des discussions ont lieu actuellement dans différentes villes pour obliger la plateforme à livrer les revenus de leurs propriétaires inscrits sur le site – et donc à les obliger à déclarer leurs revenus perçus grâce au site – et à limiter le nombre de nuitées par an, afin d’éviter la hausse des loyers dans certains quartiers.
A. S.