Le président français François Hollande a assuré lundi que les révélations de l’enquête « Panama Papers » sur l’évasion fiscale donneraient lieu en France à des enquêtes et a remercié les lanceurs d’alerte en se félicitant de nouvelles « rentrées fiscales ». Une réaction qui tranche avec son silence après les révélations LuxLeaks, fin 2014, alors que les trois lanceurs d’alerte de cette affaire doivent être bientôt jugés au Luxembourg.
« Toutes les informations qui seront livrées donneront lieu à des enquêtes des services fiscaux et à des procédures judiciaires », a déclaré M. Hollande, à la suite des révélations d’évasion fiscale, dites Panama Papers. « Toutes les enquêtes seront diligentées, toutes les procédures seront instruites et les procès éventuellement auront lieu ». « C’est une bonne nouvelle que nous ayons connaissance de ces révélations parce que ça va nous faire encore des rentrées fiscales de la part de ceux qui ont fraudé », a dit le président français, soulignant qu’en 2015 « 20 milliards d’euros ont été notifiés à ceux qui avaient fraudé » et que sur ces 20 milliards, l’Etat avait « déjà repris 12 milliards d’euros ».
« Je remercie les lanceurs d’alerte, je remercie la presse »
« Donc je remercie les lanceurs d’alerte, je remercie la presse qui s’est mobilisée et je ne doute pas que nos enquêteurs sont tout à fait prêts à étudier ces dossiers et ces cas pour le bien d’abord de ce qu’on peut penser être la morale, et aussi pour le bien de nos finances publiques », a-t-il poursuivi. « C’est grâce à un lanceur d’alerte que nous avons maintenant ces informations. Ces lanceurs d’alerte font un travail utile pour la communauté internationale, ils prennent des risques, il doivent être protégés », a dit le chef de l’Etat.
Une prise de position qui tranche avec le silence du président français après les révélations d’évasion fiscale de centaines de multinationales dans le cadre de l’affaire LuxLeaks, fin 2014. Trois lanceurs d’alerte des LuxLeaks, dont le journaliste français Edouard Perrin, doivent pourtant être jugés au Luxembourg du 26 avril au 4 mai, notamment pour vol et recel des données à l’origine du scandale. Interrogé sur le cas de l’un d’eux, le Français Antoine Deltour, lors d’une visite au Luxembourg le 6 mars 2015, François Hollande avait ainsi botté en touche et simplement déclaré faire «confiance à la justice luxembourgeoise».
Deux poids, deux mesures
Pourquoi ces deux poids deux mesures ? D’abord parce que l’ampleur des fuites des Panama Papers et leur résonance mondiale sont sans commune mesure avec celles des LuxLeaks. Certainement aussi parce qu’il est plus facile de s’attaquer à des particuliers (même puissants) qui fraudent, qu’à des multinationales – ou des banques françaises – qui profitent du laisser-aller réglementaire européen et mondial pour ne pas payer d’impôt.
Plus facile aussi, de s’attaquer au Panama qu’à un partenaire européen comme le Luxembourg et son ancien Premier ministre Jean-Claude Juncker, prompts à démontrer que leurs pratiques de « tax rulings » bienveillants sont répandues dans d’autres pays de l’Union européenne. Pour le fisc français, il y aurait pourtant pas mal d’argent à récupérer là aussi.
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Voilà qui en dit long sur l’honnêteté et le courage politique du président français dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale, et plus largement sur l’hypocrisie des dirigeants européens en la matière. Sûr qu’Antoine Deltour et Edouard Perrin doivent avoir les déclarations de Hollande en travers de la gorge. Mais ils doivent à la fois se réjouir de cette nouvelle bombe, qui assombrit un peu plus le crépuscule des paradis fiscaux. Leur procès prendra encore une tonalité différente à la suite de ces révélations qui plaident clairement en leur faveur, alors qu’un comité de soutien vient de voir le jour au Luxembourg.
Sylvain Amiotte (avec AFP)
Rappelons nous qu’au mois de décembre dernier, sur intervention du Secrétaire d’Etat au budget, M Eckert, le gouvernement a fait bloquer un amendement déjà voté par les députés visant à combattre l’optimisation fiscale en obligeant les entreprises à déclarer leurs tractations off shore. Rappelons nous aussi les efforts de M Macron pour imposer le secret des affaires avec la Loi qui porte son nom.