La Banque centrale européenne (BCE) va tourner la page d’une décennie de généreuse politique monétaire en relevant, jeudi, ses taux directeurs pour tenter de juguler l’inflation galopante.
Cette première hausse depuis 2011 aura des répercussions sur de nombreux acteurs de l’économie.
Un frein pour les emprunteurs
Les banques commerciales se fournissent en liquidités, c’est-à-dire en argent, auprès de la Banque centrale européenne. En relevant son taux de refinancement, l’un de ses trois taux directeurs, la BCE va faire payer ces liquidités plus cher. Par effet domino, les banques vont répercuter les hausses sur leurs clients.
Acheter une maison deviendra plus compliqué : la hausse des taux immobiliers, déjà notable depuis plusieurs mois, devrait se poursuivre. Les entreprises, qui ont eu un accès facile au crédit ces dernières années, devraient être également touchées. Les banques pourraient préférer refuser des prêts aux projets les plus risqués.
Cependant, « les coûts du financement immobilier ne dépendent que partiellement des taux directeurs de la BCE et sont aussi déterminés par l’offre et la demande ou la solvabilité de l’emprunteur. En outre, la durée du crédit joue également un rôle important, car elle ne correspond souvent pas aux durées des taux directeurs de la BCE », nuance Andreas Lipkow, analyste chez Comdirect.
Coup de pouce aux épargnants
Ceux qui sont plutôt fourmis que cigale devraient y trouver leur compte. Ces dernières années, les banques étaient taxées à 0,5 % lorsqu’elles laissaient dormir de l’argent auprès de la BCE. Une façon pour cette dernière de les inciter à injecter leurs liquidités dans l’économie.
De nombreux établissements ont répercuté cette charge sur leurs clients sous la forme de « frais de garde » si le solde sur leurs comptes courants dépasse un certain montant. Ce surcoût est amené à disparaître.
La baisse de taux va redonner des marges aux établissements bancaires qui devraient pouvoir proposer des rendements plus attractifs sur certains placements, après des années de vaches maigres. Produit d’épargne détenu par une majorité de Français, le Livret A verra son taux doubler au 1er août.
Cependant, il faudra probablement un certain temps avant que les épargnants puissent de nouveau percevoir des intérêts significatifs, prévient Elmar Völker, analyste à la banque LBBW.
« La hausse des taux directeurs (et des taux d’épargne) ne devrait pas être suffisamment importante pour compenser les taux d’inflation élevés. Selon toute vraisemblance, les taux d’intérêt réels resteront encore nettement négatifs l’année prochaine. »
Mauvaise nouvelle pour les États endettés
Tout comme les emprunteurs et les entreprises, les États qui se financent sur les marchés seront dans le camp des perdants. La France, par exemple, déjà endettée à hauteur de plus de 2.800 milliards d’euros, ne profitera plus de taux d’emprunt avantageux.
Après des années de taux d’emprunt à zéro – voire négatifs – la charge de la dette va augmenter, réduisant la marge de manœuvre budgétaire des gouvernements au moment où les mesures de soutien au pouvoir d’achat leur coûtent des milliards d’euros.
Prudence pour les investisseurs
Pendant des années, les bourses ont profité des taux d’intérêt bas et de l’afflux d’argent des grandes banques centrales. Face aux faibles rendements des obligations d’État, les valorisations boursières ont atteint des sommets, car les investisseurs sont allés chercher des rendements plus élevés sur des produits risqués, notamment les actions.
Les Bourses mondiales ont plongé ces dernières semaines avec le tour de vis des banques centrales contre l’inflation. Les valeurs technologiques sont particulièrement secouées : l’indice Nasdaq a déjà chuté de 30 % depuis les plus hauts de fin 2021, car les entreprises de la tech vont payer plus cher leurs énormes besoins d’argent frais.
Le mois de juin a été le pire de l’histoire du bitcoin avec une dégringolade de plus de 40 %.
Mais comme la BCE « agit très lentement et communique par anticipation sur les hausses de taux, les investisseurs sont depuis longtemps préparés, ce qui plaide contre des fluctuations importantes » sur les marchés boursiers, note Elmar Völker.