Critiquée pour son projet de gazoduc Nord Stream 2 depuis la Russie, l’Allemagne a opéré mardi un rapprochement avec les États-Unis, promettant d’importer dès les prochaines années du gaz naturel liquéfié américain et de construire l’infrastructure correspondante.
Le ministre allemand de l’Économie, Peter Altmaier, recevant le secrétaire-adjoint américain à l’Énergie, Dan Brouillette, à Berlin, a dévoilé des mesures pour faciliter la construction de terminaux méthaniers destinés au GNL. Selon Peter Altmaier, deux ou trois sites devraient être construits « à moyen voire court terme », probablement dans des villes du Nord de l’Allemagne, à Brunsbüttel, Wilhelmshaven et Stade. La décision finale interviendra dans les prochaines semaines.
Fin du nucléaire et du charbon
Ces terminaux, subventionnés par le gouvernement mais financés par des consortiums privés, sont essentiels à l’importation de GNL. Angela Merkel avait levé en partie le voile vendredi en indiquant que l’Allemagne s’orientait vers la construction des terminaux méthaniers pour avoir une plus grande « diversité dans son approvisionnement énergétique » afin de ne pas dépendre « exclusivement » du gaz russe. Car le pays a enclenché sa sortie du nucléaire et amorcée celle du charbon dans la production d’électricité et il va donc faire face à des besoins accrus en gaz.
« Nous allons avoir besoin de plus de gaz et donc pour nous protéger et être moins vulnérables nous devons diversifier » les sources, a insisté Peter Altmaier. Le GNL nous permettra de nous « approvisionner en gaz auprès d’encore plus de fournisseurs et d’accroître ainsi notre sécurité » énergétique, a expliqué Peter Altmaier mardi, citant outre les États-Unis, l’Égypte, le Qatar et Israël.
Le gaz américain bien plus cher que le gaz russe
Mais il a aussi rappelé l’écueil principal du gaz américain : son coût bien supérieur au gaz russe. Dan Brouillette a tenté d’apaiser cette inquiétude en assurant que les prix baisseraient « de manière spectaculaire » au cours de la décennie à venir, du fait de la concurrence avec l’Australie ou le Qatar et de l’augmentation des capacités de production américaines. « Nous travaillons très dur pour rendre le GNL américain plus compétitif », a-t-il insisté.
Pour les Américains, mettre le pied dans le marché gazier européen constitue une riposte à l’influence énergétique russe, appelée à grandir en Europe avec la mise en service, en 2020, de Nord Stream 2. Ce projet doit permettre de doubler les capacités du premier Nord Stream, qui transporte du gaz de la côte Baltique de la Russie jusqu’à l’Allemagne. Cette route sous-marine directe entre le fournisseur et l’un de ses principaux clients permet aussi de contourner l’Ukraine, alliée aux Occidentaux et en conflit avec la Russie.
Affaiblissement de l’Europe et trahison des Ukrainiens
Les détracteurs de Nord Stream 2 considèrent que ce gazoduc affaiblit l’Europe face à Moscou et trahit les Ukrainiens, même si Angela Merkel a promis de défendre les intérêts de Kiev. Peter Altmaier a répété cette promesse mardi. Malgré des divisions, les 28 pays membres de l’UE sont parvenus le 8 février à se mettre d’accord pour mieux contrôler leur marché du gaz, des changements qui devraient compliquer le fonctionnement de Nord Stream 2.
Dan Brouillette a d’ailleurs souligné mardi que Washington se sentait « encouragé » par la décision des 28, tout en assurant « suivre de très près sa mise en œuvre ». L’administration américaine avait au préalable menacé de sanctions le tube sous-marin, alors que Berlin est déjà une cible favorite du président américain, Donald Trump, qui reproche pêle-mêle aux Allemands leurs excédents commerciaux ou encore des dépenses militaires trop réduites.
Énorme pression américaine sur les Européens
Selon un diplomate européen, « Washington a mis une énorme pression sur les capitales européennes ces derniers jours pour empêcher Nord Stream 2 ». « Nous ne sommes pas fondamentalement contre le gaz russe en Europe, mais nous sommes contre trop de gaz russe qui rend nos partenaires dépendants « , a souligné dimanche l’ambassadeur américain en Allemagne, Richard Grenell. Ces pressions ont-elles conduit l’Allemagne à importer du GNL? « Il n’y a pas de deal » en ce sens entre les États-Unis et l’Allemagne, ont assuré de concert Peter Altmaier et Dan Brouillette.
AFP