Le marchand d’art Guy Wildenstein, poursuivi pour une fraude fiscale de centaines de millions d’euros, a obtenu mercredi un répit de plusieurs mois : son procès a été suspendu le temps que soit examinée une épineuse question de droit.
Le médiatique procès de cette lignée mondialement connue de marchands d’art, mêlant querelles familiales, montages financiers sophistiqués, toiles de maîtres et un soupçon de politique – Guy Wildenstein a été un soutien actif de l’UMP – n’a duré que quelques heures. Au deuxième jour d’audience, le président du tribunal a en effet décidé de soumettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), comme l’avait demandé la défense lundi à l’ouverture du procès.
Il a par conséquent levé l’audience et donné rendez-vous le 4 mai, le temps que la plus haute juridiction française examine une délicate question sur le cumul de deux procédures, l’une pénale et l’autre fiscale, dans cette affaire. Les héritiers de la famille Wildenstein, en plus des poursuites pénales qui peuvent valoir jusqu’à dix ans d’emprisonnement aux principaux prévenus dont Guy, sont sous le coup de sanctions fiscales.
Le fisc réclame 550 millions d’euros
Le fisc français leur réclame plus de 550 millions d’euros, une somme qui comprend le recouvrement des impôts mais aussi une majoration pour « manquement délibéré » aux obligations de déclaration. La Cour de cassation devra, elle, décider si elle soumet à son tour la question au Conseil constitutionnel. C’est, en attendant, un répit de plusieurs mois pour Guy Wildenstein et les autres prévenus : son neveu Alec Junior, son ex-belle-soeur Liouba, en guerre ouverte avec le reste de la famille, deux avocats, un notaire et deux représentants de fonds basés dans des paradis fiscaux, ou « trusts ».
Hervé Temime, avocat de Guy Wildenstein, a loué au sortir de la salle d’audience « la grande sagesse » et l’ « indépendance » du tribunal. Il a estimé qu’il était « absolument nécessaire » de trancher une question de droit qui empoisonne depuis des mois de nombreuses procédures en France. La défense de Guy Wildenstein a en tête un précédent retentissant, celui d’EADS. Le 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel avait décidé de mettre fin à une procédure pénale visant des dirigeants du groupe d’aéronautique et de défense, poursuivis pour délits d’initiés, parce que les faits avaient déjà été examinés par une juridiction administrative. Il s’agissait alors de l’Autorité des marchés financiers. Les Sages avaient invoqué un principe fondamental du droit, qui interdit de juger et sanctionner deux fois le même délit.