Le ministre de la Défense, François Bausch, espère sauver le projet d’acquisition d’un satellite militaire. Au coût initial de 170 millions d’euros vont venir s’ajouter 138 millions d’euros. Des «oublis» sont fustigés.
L’intitulé d’un projet de loi ne correspond pas forcément à la réalité. Le 24 juillet 2018, la Chambre des députés a validé avec 58 voix contre 2 un texte «autorisant le gouvernement à acquérir, lancer et exploiter un satellite et son segment sol destinés à l’observation de la Terre». Le ministre de la Défense de l’époque, Étienne Schneider, avait requis une enveloppe de 170 millions d’euros. «Plusieurs éléments de l’intitulé du projet de loi n’ont pas été budgétisés dans les faits», doit admettre aujourd’hui François Bausch, le successeur d’Étienne Schneider à la Défense. Plus concrètement, l’exploitation du satellite et l’investissement dans les infrastructures au sol n’ont pas été pris en compte dans la loi de financement initiale.
Pas de trace dans le Fonds d’équipement
Au mois de mars, le nouveau ministre de tutelle a été obligé de se rendre à l’évidence. Pour finaliser ce projet devant contribuer à l’effort de défense du Luxembourg pour l’OTAN, une enveloppe supplémentaire de 180 millions d’euros était nécessaire. L’addition finale devait atteindre les 350 millions d’euros, montant provoquant l’ire de la Chambre des députés.
Lundi, François Bausch a pu annoncer que le surcoût devrait s’établir à 138 millions d’euros. Dans le scénario le plus optimiste, établi par le cabinet d’audit PwC, entre 8 et 9 millions d’euros supplémentaires pourraient être épargnés. «On est sur le point de conclure les négociations pour installer au Luxembourg les centres de données nécessaires à l’exploitation du satellite ainsi que le centre de contrôle et de pilotage», annonce le ministre de la Défense. Un accord avec l’Agence de l’OTAN en charge du soutien et de l’acquisition (NSPA) est ainsi proche.
Le projet semble donc désormais plus carré qu’en 2018. François Bausch compte d’ailleurs saisir dès le 23 juillet le Conseil de gouvernement pour faire valider la nouvelle enveloppe budgétaire. Tout cela n’est cependant pas suffisant pour venir effacer la multiplication des couacs qui se trouvent au départ du projet LUXEOSys. «Le projet a été sous-estimé et mal budgétisé», tranche le ministre de la Défense. Entre les lignes, il n’est pas tendre avec son prédécesseur. Étienne Schneider et l’ancien directeur de la Défense Patrick Heck ont argumenté devant la commission de contrôle de l’exécution budgétaire de la Chambre que les frais d’exploitation devaient être couverts par le Fonds d’équipement militaire. «C’était pratique courante. Moi je fonctionne différemment. Si je compare le satellite à un bâtiment, cela revient à comptabiliser uniquement les frais de construction sans tenir compte de l’installation du chauffage, de l’électricité, etc. Pour moi, une loi de financement doit comprendre tous les frais», souligne François Bausch.
Au départ, il était prévu d’installer les antennes et le centre de données pour l’exploitation du satellite à la caserne militaire de Diekirch. Le Herrenberg ne possède cependant pas les capacités pour accueillir une telle installation. Le centre de contrôle devait être hébergé chez SES, option finalement rejetée par LuxGovSat, société gérant le satellite GovSat-1.
Le lancement prévu fin 2022
En fin de compte, le budget de 170 millions d’euros était tout juste suffisant pour acquérir et lancer le satellite dans l’espace. L’architecture du segment sol a été revue de fond en comble. Les antennes seront installées à Redu en Belgique et une antenne polaire sera louée à Svalbard (Norvège). Cette dernière est nécessaire pour garantir les 100 images que doit produire LUXEOSys quotidiennement. Comme indiqué, le centre de contrôle et les centres de données seront installés à Luxembourg. Le recrutement du personnel spécialisé sera externalisé. «Rien de tout cela n’était budgétisé», déplore le ministre François Bausch.
Il compte toutefois mener à bout le projet. Le satellite occupe en effet une niche. La fourniture par une armée d’images fiables et non classifiées intéresse à la fois l’UE, l’OTAN et l’ONU. Le lancement est prévu fin 2022. Si le Luxembourg devait finalement se retirer du projet, cela engendrerait un coût de 145 millions d’euros.
David Marques
Les caractéristiques techniques du satellite
– LUXEOSys est un système gouvernemental d’observation par satellite répondant aux besoins des organisations nationales (gouvernements, LIST, Cartographie, etc.) et internationales (UE, OTAN, ONU, etc.) en imagerie satellitaire
– Le but du programme LUXEOSys est de fournir quotidiennement 100 images de la Terre à très haute résolution
– Ce satellite est appelé NAOS (National Advanced Optical System) et sera placé à environ 450 km sur une orbite basse polaire (appelée LEO – Low Earth Orbit)
– Le satellite effectue des rotations autour de la Terre (15 révolutions par jour), ce qui permettra de prendre des images de l’ensemble de la planète.
– L’architecture segment sol comprendra la construction de deux antennes et la location d’une antenne polaire permettant le transfert des 100 images du satellite vers la Terre
– Le second volet de la mise en place d’un segment sol concerne la construction d’un centre de contrôle en charge de la gestion du système ainsi que la dissémination d’images
– La vitesse du satellite est de 8 km par seconde