Les prix de centaines de produits alimentaires de grande marque vont augmenter vendredi dans les supermarchés, mais ceux des marques de distributeurs pourraient baisser : un pari pour défendre l’agriculture, sur fond de grogne des gilets jaunes pour le pouvoir d’achat.
Le ministre de l’Agriculture l’a admis mercredi matin : le 1er février, des hausses de tarifs vont intervenir sur 4% des produits alimentaires de grande consommation, avec des marques aussi connues que le Nutella, le Ricard ou le Coca Cola. La raison ? Le relèvement à 10% du « seuil de revente à perte », imposé par la récente loi Alimentation. Le gouvernement compte ainsi obliger les distributeurs à vendre même leurs produits d’appel à des prix supérieurs d’au moins 10% à ceux auxquels ils les ont achetés, et à cesser les ventes à perte.
L’État espère que la distribution pourra ainsi mieux rémunérer les producteurs issus de toutes les filières agricoles et aquacoles, qui étouffent et disparaissent, régulièrement rémunérés en dessous de leur prix de revient. Car paysans et producteurs sortent chaque année KO debout de la grande négociation rituelle des prix qui se tient d’octobre à fin février, face aux géants de l’agroalimentaire et surtout aux incontournables centrales d’achat de la distribution.
« Ce que je demande aux grandes surfaces, c’est de trouver moyen de répartir les marges différemment, de répartir les choses mieux, l’objectif est que les produits agricoles soient vendus à leur juste valeur », a dit le ministre. Dans les supermarchés, « 500 produits sur 13 000 » devraient augmenter vendredi, alors que dans les hypermarchés, « c’est 800 produits sur 20 000 » qui sont concernés, a-t-il ajouté.
« Lorsque les gens achètent de la viande, du poisson », les prix « seront protégés, contrairement à avant », a-t-il ajouté, « surtout sur les marques de distributeurs » (MDD). « Ce qui m’importe, c’est que les consommateurs et les agriculteurs s’y retrouvent. »
« Changer le système »
Message reçu par la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), regroupant tous les acteurs de la distribution à l’exception de Leclerc, qui a mené la fronde contre la loi Alimentation au nom de la lutte pour le pouvoir d’achat.
« Ce sur quoi tous les acteurs économiques, sauf Leclerc, se sont mis d’accord, c’est qu’il faut changer le système, de façon à ce qu’on revienne à des prix normaux, et que ça permette d’améliorer le sort des agriculteurs. Et de ce point de vue, je trouve qu’il n’y a rien de choquant à ce que le prix du Ricard puisse augmenter un peu si ça permet d’augmenter le prix payé aux éleveurs laitiers pour un litre de lait », a réagi le délégué général de la FCD, Jacques Creyssel.
« Le consommateur verra bien, quand l’ensemble de tout ceci sera terminé, c’est-à-dire dans quelques mois, qu’en réalité c’est une opération positive pour tous », a-t-il jugé. Selon lui, plusieurs enseignes ont déjà annoncé dans la presse, en compensation, des baisses de prix sur leurs MDD. Pour redorer leur image de marque, certaines enseignes vont aussi tenter d’actionner le levier de la fidélisation de leurs clients en proposant des avantages ciblés sur des produits « préférés », selon Cédric Chéreau, spécialiste de la promotion dans la grande distribution.
Un élément saillant indique un changement d’attitude dans cette guerre de tranchées : la multiplication d’accords très médiatisés entre géants de la distribution et géants laitiers, permettant une revalorisation des prix du lait payés aux agriculteurs et éleveurs français. Après Bel et Intermarché le 12 décembre, puis Leclerc et Danone le 2 janvier, c’est Leclerc et Lactalis qui ont annoncé mercredi un accord portant sur les prix de 200 millions de produits laitiers.
LQ/AFP