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Fonds de pension dans les énergies fossiles : l’ALFI relativise


«Si on investit dans un indice boursier, il se peut très bien que parmi cet indice se retrouvent des sociétés qui produisent de l'énergie fossile. Mais il n'existe pas de moyen pour les écarter», note Camille Thommes. (illustration Isabella Finzi)

En septembre, Greenpeace et déi Lénk étaient montés au créneau pour fustiger les investissements du fonds de pension (FDC) dans l’énergie fossile. L’ALFI, favorable aux fonds verts, tient à relativiser les choses.

Début octobre, Greenpeace et le ministère de la Sécurité sociale se sont retrouvés devant le Tribunal administratif face au refus du ministre Romain Schneider de communiquer au sujet des investissements du fonds de pension luxembourgeois (FDC). «Le juge a ouvertement critiqué l’absence de réponse du ministre à la lettre de Greenpeace qui l’interrogeait sur les investissements du fonds de pension dans des industries dommageables pour le climat», souligne l’ONG sur son site internet.

Des actifs à hauteur de 545 millions d’euros

Une semaine plus tôt, Greenpeace avait publiquement dénoncé les «investissements préjudiciables pour le climat», qui pèseraient toujours trop lourdement dans le FDC. Le fonds de pension aurait ainsi investi dans «27 des 50 plus grandes multinationales dites « Carbon Majors »». Dans le rapport annuel du Fonds, on retrouve en effet l’achat d’actions d’ExxonMobil, Shell, BP, BHP Billiton et Rio Tinto. «Depuis 2015, les investissements dans le secteur du charbon ont augmenté d’un tiers», fustigeait Greenpeace dans un communiqué de presse.
Le parti d’opposition déi Lénk était lui aussi monté au créneau courant septembre pour dénoncer la politique d’investissement du gouvernement.

En se basant également sur le dernier rapport du FDC, le fonds détiendrait, selon des calculs de déi Lénk, «des actifs à hauteur d’au moins 545 millions d’euros dans des entreprises liées directement à l’exploitation des énergies fossiles. Par contre, le FDC n’investit que 21 millions d’euros dans les énergies renouvelables.»

«L’approche en matière d’investissement responsable introduite en 2017 (…) est largement insuffisante et de surcroît très problématique», estime dans un communiqué le parti des députés David Wagner et Marc Baum. «Avant tout, elle ne vise pas à diminuer les investissements toxiques du FDC, mais uniquement à augmenter les investissements considérés comme responsables. S’y ajoute que la démarche est douteuse. Dans pratiquement chacun des compartiments qui sont labellisés « ESG » (environmental and social governance) selon le ministre, on retrouve des investissements dans l’industrie pétrolière».

«Assumer sa fonction sociale»

Pour l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (ALFI) le maintien d’investissements dans l’énergie fossile peut s’expliquer. Interrogés par nos soins, la présidente Corinne Lamesch et le directeur Camille Thommes évoquent à la fois des raisons techniques mais aussi une réflexion plus stratégique pour la présence continue de ces «investissements préjudiciables pour le climat» dans le FDC. «Si un gestionnaire de portefeuille investit dans un indice boursier, il se peut très bien que parmi cet indice se retrouvent des sociétés qui produisent de l’énergie fossile. Mais il n’existe pas de moyen pour les écarter de cet indice», note Camille Thommes. «Il faut miser sur un processus évolutif. En maintenant une pression constante, on va pouvoir amener ces sociétés à changer de cap».

En effet, la demande pour des fonds plus verts et plus durables s’accroît depuis plusieurs mois. «Si on veut que ces fonds deviennent la norme, on ne peut pas complètement exclure les sociétés actives dans l’énergie fossile. Car ce sont ces mêmes sociétés qui vont pouvoir développer des énergies renouvelables», souligne Corinne Lamesch. La présidente de l’ALFI se dit convaincue qu’à terme, les producteur d’énergie fossile n’auront plus le choix : «Il faut engager le dialogue. Les gestionnaires de portefeuille vont cibler davantage leurs investissements. Les sociétés concernées devront devenir plus durables».

L’ALFI veut soutenir les investisseurs sur ce chemin durable pour que le secteur des fonds puisse «assumer sa fonction sociale». «Nous allons avoir un déficit des systèmes de pension en Europe. Il faut donc permettre aux épargnants de mettre de l’argent de côté», conclut Corinne Lamesch.

David Marques

Réserve de 18 milliards d’euros

Selon les chiffres dévoilés dans le Rapport annuel de 2018, le rendement annuel du Fonds de pension luxembourgeois s’est établi à 4,5%. La réserve du Fonds s’est élevée au 31 décembre 2018 à 18,97 milliards d’euros (+0,48% par rapport à 2017). Cette somme correspond à 4,35 fois le montant des pensions à verser sur un an. «Tout au long de l’année (2018), le Fonds de compensation a poursuivi son engagement d’investisseur socialement responsable», soulignait Fernand Lepage, le président du FDC, dans son avant-propos au rapport.