Accueil | Economie | Foie gras : une filière gastronomique et industrielle sous haute tension

Foie gras : une filière gastronomique et industrielle sous haute tension


La filière est également confrontée à la concurrence du foie gras venu notamment de Bulgarie ou de Hongrie. (illustration Didier Sylvestre)

Fragilisée par la grippe aviaire en 2016 et 2017, la filière française du foie gras, rattachée comme le champagne à la gastronomie de luxe, fait vivre plusieurs territoires ruraux essentiellement dans le sud-ouest et représente 100 000 emplois directs et indirects.

Ciblée pour la deuxième fois par l’association anti-spéciste L214 (lire encadré) qui s’oppose à l’élevage et à la consommation de protéines animales, elle est depuis longtemps confrontée aux critiques des défenseurs des animaux opposés au gavage des oies ou des canards et a déjà dû maintes fois répondre aux critiques et faire évoluer ses pratiques.

Alors que New York a interdit la consommation de foie gras en octobre 2019, les producteurs faisaient valoir le caractère ancestral du gavage, né sous les Égyptiens et perpétué par les Romains. Aujourd’hui, les professionnels se divisent en différentes spécialités : sélectionneurs, accouveurs, fournisseurs d’aliments, éleveurs, abattoirs, transformateurs, regroupées dans une interprofession unique du foie gras, du magret et du confit, le Cifog qui rappelle que le secteur fait vivre environ 30 000 familles dans les zones rurales.

Sécurité sanitaire améliorée

Depuis les deux vagues de grippes aviaires de 2016 et 2017, qui ont conduit à des abattages massifs de canards et fait chuter la production de 40%, les producteurs ont revu de fond en comble leur dispositif de biosécurité. Aussi bien pour se protéger des épidémies que pour améliorer le bien-être animal. Du petit producteur local aux grosses coopératives ou sociétés privées (Labeyrie, Delpeyrat, Euralis gastronomie), les producteurs, qui ont bénéficié d’aides publiques, ont réalisé de lourds investissements, pour améliorer la sécurité sanitaire des élevages. Les contrôles en amont sont systématiques sur les canards qui partent à l’abattoir.

La filière, également confrontée à la concurrence du foie gras venu notamment de Bulgarie ou de Hongrie a aussi récemment créé un « label France » garantissant l’origine de ses produits et ses pratiques de biosécurité, avec le soutien de 10 000 chefs cuisiniers. Avec l’objectif de développer les exportations. En France aujourd’hui, 90% des foies gras consommés y sont également produits, dont 80% dans le sud-ouest. Mais l’an dernier, les ventes de foie gras et magrets ont baissé de 10% en France, un revers imputable, selon la filière, à la loi Alimentation et certaines dispositions qui visent à encadrer les promotions dans la grande distribution. La crise du covid-19 a amplifié les problèmes avec les fermetures de restaurants, ce qui fait peser un « vrai risque sur les 100 000 emplois directs et indirects concernés », a alerté le Cifog.

LQ/AFP

Un élevage « insalubre » de canards mis en cause

« Le pire élevage » vu depuis plus de dix ans : l’association L214 a mis jeudi en cause un élevage de canards des Pyrénées-Atlantiques dont elle a demandé la fermeture « urgente et définitive », la copropriétaire de l’exploitation dénonçant de son côté une vidéo « fausse et mensongère ».

Bâtiment « totalement insalubre », cadavres de canards « décomposés » et « non ramassés », cages « en train de s’effondrer », épais « flot d’excréments » qui « déborde à l’extérieur », asticots, rats qui « prolifèrent » : pour L214, l’un des bâtiments abritant des canards mâles à Lichos (Pyrénées-Atlantiques), à 50 km de Pau, atteint « des sommets dans l’horreur » et les canards vivants, environ 150, se trouvent au milieu d’autant de morts.

Les photos et vidéos mises en ligne sur le site de l’association de défense des animaux ont été prises « il y a quelques jours » en août, après le signalement d’un « lanceur d’alerte ». Elles dépeignent « le pire élevage que nous ayons eu l’occasion de voir depuis les débuts de L214 » en 2008, a affirmé Sébastien Arsac, directeur des enquêtes de l’association.

Mise en demeure

Sur le site de l’exploitation le Couvoir du Saison, une copropriétaire de cette exploitation « familiale » a répondu aux accusations en affirmant que la vidéo de l’association était « fausse, mensongère et malhonnête ». « Sur la partie extérieure, le lisier qui se déverse, c’est la vérité », a concédé Aurore Vidal, « des images de certains animaux en cage, c’est notre exploitation, mais tout ce qui est cadavres, asticots et tout le reste, c’est faux », a-t-elle ajouté, « ce n’est pas notre exploitation ».

Le ministère de l’Agriculture a de son côté demandé au préfet une « mise en demeure » de l’élevage pouvant aller « jusqu’à une suspension d’activité ». « En parallèle, une procédure judiciaire est ouverte », a précisé le ministère, estimant néanmoins que ce cas « isolé » ne « saurait être généralisé ». Une plainte a été déposée mercredi à Pau par l’avocate de L214 pour « cruauté envers les animaux », « abandon », et « atteinte à l’environnement », en raison des risques encourus par le Saison, proche cours d’eau, à cause des déjections s’écoulant du bâtiment.