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Finance durable : «des engagements insuffisants» pour l’ASTM


Pour l’ASTM, le volontariat en matière de diligence a une fois encore montré ses limites.

L’ASTM a dévoilé un nouveau rapport sur la place financière luxembourgeoise et les droits de l’homme. Le constat est sans appel : les manquements demeurent importants.

Action solidarité tiers-monde (ASTM) a présenté ce mardi 8 février son nouveau rapport intitulé «Luxembourg’s financial centre & its human rights policies» (la place financière du Luxembourg et ses directives en matière de droits humains). En se basant sur les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (qui établissent la responsabilité des entreprises, dont celles du secteur financier, dans le respect des droits humains – voir encadré), l’ASTM a examiné les engagements en matière de politique des droits humains des acteurs institutionnels de la place financière. Elle a pour cela analysé leurs documents de gouvernance et de stratégie, leurs codes de conduite et autres codes d’éthiques.

Vingt-deux acteurs ont ainsi été passés au crible qui représentent, contrôlent ou régulent d’autres acteurs privés de la place financière, tels que la BCL (Banque centrale du Luxembourg), la CSSF (Commission de surveillance du secteur financier), le Barreau des avocats, l’ABBL (Association des banques et banquiers du Luxembourg), le FdC (Fonds de compensation commun au régime général de pension), etc. «Ces acteurs participent à la définition de normes au Luxembourg par le biais d’orientation et d’influence politique», a expliqué Nadine Haas, chargée de recherche.

À l’issue de cette analyse, le résultat est sans appel pour l’ASTM : les engagements de ces entreprises financières sont «clairement insuffisants» et ce, malgré deux plans nationaux élaborés par le gouvernement pour mettre en œuvre les principes directeurs des Nations unies.

Durabilité écologique et sociale

Il apparaît en effet que bien que la moitié des institutions étudiées possède des documents de gouvernance et des règlements internes, seules trois d’entre elles y mentionnent les droits humains : l’ABBL, l’INDR (National institute for sustainable development and corporate social responsibility) et le LSFI (Luxembourg sustainable finance initiative). Avec un bémol qui plus est : ces documents se concentrent sur la nature volontaire des déclarations et n’incluent pas une quelconque recommandation en matière de diligence raisonnable.

L’étude montre en outre que le label ESR, qui récompense les entreprises responsables et a été attribué à cinq des institutions analysées dans cette étude, ne prend pas suffisamment en compte les droits humains. «Les institutions ont en effet tout simplement la possibilité de déclarer que les droits humains ne sont pas applicables dans leur secteur», souligne le rapport. Or «tout est lié», insiste Nadine Haas.

Il semble en effet que la durabilité de la finance soit comprise par la plupart de ces acteurs comme répondant exclusivement à des critères climatiques et environnementaux. «Le débat public autour de la notion de durabilité doit être recentré pour la rendre plus compréhensible et inclure le respect de droits humains», préconise à cet égard l’ASTM.

Cette absence de directive ferme a des conséquences qui elles sont très claires : certaines entreprises du secteur financier font affaire avec des entreprises qui négligent les droits humains. Le rapport de l’ASTM cite en exemple les fonds communs de placement BPSA FONDS LUX et NEF qui ont investi en 2020 dans l’entreprise chinoise Tecent Holdinds Ltd.

Ce géant des technologies est accusé d’avoir joué un rôle non négligeable dans l’implémentation de la cybersurveillance et la censure par le gouvernement chinois, tant en Chine qu’à l’international, conduisant à la détention arbitraire «d’un million de personnes».

Pour l’ASTM, cette étude prouve donc une fois de plus que les engagements volontaires ne suffisent pas et que l’adoption d’une loi nationale sur le devoir de vigilance incluant le secteur financier bien sûr est indispensable pour faire respecter les droits humains.

L’entremêlement entre le public et privé et le déséquilibre évident qui existe entre le nombre d’institutions censées contrôler et réguler le secteur et les sociétés privées et les lobbies pourraient cependant avoir un impact négatif sur l’application d’une éventuelle loi, relève l’ASTM, qui exhorte l’État à «prendre ses responsabilités en matière de finance durable et ne pas laisser le volant aux acteurs privés et lobbyistes».

Principes directeurs

Les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme reposent sur trois piliers : le devoir de l’État de protéger les droits de l’homme; la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme et l’accès à des recours pour les victimes d’abus liés aux entreprises.

À noter que la responsabilité incombant aux entreprises s’applique «à toutes les entreprises indépendamment de leur taille, de leur secteur, de leur cadre de fonctionnement, de leur régime de propriété et de leur structure».