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Finance au Luxembourg : tension entre les syndicats


Ambiance froide chez les syndicats de la finance au Grand-Duché (Photo d'illustration : Julien Garroy).

L’OGBL et le LCGB sont vent debout contre l’initiative de l’Aleba, qui a décidé de prendre les devants en négociant seule le renouvellement de la convention collective.

Stupeur et tremblement dans la sphère syndicale du secteur bancaire. «Incompréhensible», «étonnant», «surréaliste», «du jamais vu». L’OGBL Secteur financier et son homologue du LCGB n’ont pas caché leur sidération jeudi lors d’une conférence de presse commune, quelques jours après l’annonce par le syndicat Aleba d’un accord de principe avec les représentants du patronat dans le secteur des banques et des assurances, l’ABBL et l’ACA, concernant une reconduction quasi à l’identique de l’actuelle convention collective pour trois ans.

«À aucun moment, les syndicats à représentativité nationale, c’est-à-dire l’OGBL et le LCGB, signataires des deux conventions collectives, n’ont été informés, ni par l’Aleba, ni par l’ABBL, ni par l’ACA, de leur volonté de renouveler les conventions collectives existantes», a pesté Véronique Eischen, secrétaire centrale et membre du bureau exécutif de l’OGBL. «Nous ne comprenons pas pourquoi l’Aleba fait cavalier seul», a renchéri Gabriel Di Letizia, président du LCGB-SESF.

Les deux syndicats largement représentés au niveau national ont également très mal pris le fait de ne pas avoir été invités et informés au préalable de cette initiative. «Nous avons envoyé par deux fois des invitations qui sont restées sans réponse. Sans doute étaient-ils trop occupés à préparer leur conférence de presse», rétorque Laurent Mertz, secrétaire général de l’Aleba, réfutant toute cassure du front syndical. Le ton est donné. D’un autre côté, le LCGB et l’OGBL soulignent qu’«aucune négociation ne peut être entamée sans les signataires de la convention collective en vigueur».

Qui est majoritaire ?

De plus, les deux syndicats contestent le statut de syndicat majoritaire de l’Aleba dans le secteur financier. Sur ce point, chaque partie interprète les chiffres à sa façon. Ce qui est sûr, c’est que l’Aleba détient 4 sièges sur 8 à la Chambre des salariés. Aux dernières élections syndicales, l’Aleba a récolté 49,22 % des voix, l’OGBL, 31,58 % et 3 sièges à la CSL, et le LCGB, 19,20 % et 1 siège à la CSL. À eux deux, les syndicats nationaux représentent donc 50,78 % des voix. Avec ce désaccord, chaque partie revendique la majorité au sein du secteur. «La loi parle du nombre de voix et non du nombre de sièges. Et même avec 4 sièges sur 8, on n’appelle pas cela une majorité. Mais ce n’est pas à nous de trancher sur le sujet. La loi dit que le ministre doit charger l’Inspection du travail et des mines (ITM) de faire une enquête et en donner les résultats au ministre», soulignent Gabriel Di Letizia et Véronique Eischen. Les deux syndicalistes n’entendent d’ailleurs pas lâcher l’affaire.

Rappelons tout de même qu’à la sortie des élections syndicales de 2019 l’Aleba a bel et bien acquis du ministère du Travail la représentativité sectorielle. «J’entends et je me tiens également prêt à nous défendre. Mais je me demande si le jeu politique de l’OGBL et du LCGB va vraiment dans l’intérêt du salarié. Pour le moment, personne n’a dénoncé notre majorité», assure de son côté Laurent Mertz, laissant tout de même la porte ouverte au dialogue. «Ce n’est pas parce que l’initiative ne vient pas de l’OGBL qu’elle est mauvaise. Après il y a toujours des moments de friction dans une famille, mais on reste ouvert à la discussion. Pour le moment, la convention collective n’est pas signée.»

Non à ce «copier-coller»

La colère de l’OGBL et du LCGB est nourrie aussi par le fait qu’ils pensaient pouvoir renégocier une convention collective signée du bout des doigts en 2018. «Nous avions des inquiétudes à l’époque, mais nous avons pris nos responsabilités en signant la convention collective», explique Véronique Eischen. En effet, un syndicat qui ne signe pas une convention collective perd un certain nombre de droits et est ensuite dans l’incapacité de défendre ses membres le cas échéant.

«Mais actuellement, à chaud, si on me demande de signer le renouvellement de la convention collective qui n’est qu’un copier-coller de la précédente, ma réponse est non. Nos inquiétudes se sont confirmées et nous avons constaté des failles dans la convention collective. Il y a également la question du télétravail et du droit à la déconnexion à traiter dans cette convention, même si nous avons déjà au niveau national obtenu une base en ce qui concerne le télétravail», termine Véronique Eischen, qui visiblement n’est pas prête à avaler une couleuvre une nouvelle fois. Affaire à suivre.

Jeremy Zabatta