Guy Wagner, administrateur-directeur de la Banque de Luxembourg (BLI), revient sur la frénésie PokémonGo sur les marchés et les investissements thématiques.
Depuis la sortie de l’application mêlant réalité augmentée et les amis de Pikachu, les effets sur les marchés boursiers ont été substantiels. Nintendo – qui possède une petite partie de Niantic, société qui a développé Pokémon Go et 32% de la société The Pokémon Company (qui détient les droits de la franchise Pokémon) –a ainsi évolué en dents de scie depuis la sortie de l’application. «Son cours a plus que doublé au cours des cinq premiers jours, avant de s’effondrer après les annonces de Nintendo destinées à minimiser l’impact financer du succès du jeu», souligne Guy Wagner dans son analyse. Mais ce qui est intéressant de constater, c’est l’évolution du cours de certaines actions de sociétés touchant de près ou de loin à l’univers des Pokémon. «L’action McDonald’s Japon, qui distribue des personnages Pokémon dans ses menus, s’est octroyée 25% après la sortie du jeu. Les actions de First Baking, qui fabrique du pain à l’effigie des Pokémon, ou encore de Fuji Media Holdings, qui détient une petite participation dans Niantic, ont progressé de 23% et plus de 20%», explique Guy Wagner.
Autres exemples : l’action Sanoyas Holdings, société d’ingénierie dont la division «loisirs» gère des espaces ludo-éducatifs sous le thème des Pokémon, s’est momentanément envolée de plus de 300% alors que l’action d’Imagica Robot, le producteur de dessins animés Pokémon a elle bondi de près de 200%. Des chiffres qui font rêver, surtout si l’on considère que l’envolée d’une action est synonyme de gain significatif pour le propriétaire de cette dernière. Pourtant, Guy Wagner met en garde sur les dangers de surfer sur des vagues thématiques en Bourse notamment à (très) court terme tant la volatilité des marchés et des tendances ne sont que «des hypothèses sur les gains boursiers à court terme».
Un pari plus qu’un investissement
Toujours selon l’administrateur-directeur de la BLI, les investisseurs comme la Banque de Luxembourg Investments ne tentent pas de jouer sur le tableau des investissements thématiques à court terme, préférant une approche à long terme via «des sociétés dont l’avantage compétitif contribue à créer de la valeur durable pour les actionnaires», sans doute le reflet de la philosophie d’agir en «bon père de famille» largement répandue au Luxembourg. «Il est clair qu’il est très risqué de surfer sur ce genre de vague en Bourse d’autant», précise l’administrateur-directeur de la BLI, utilisant même le mot de «pari» pour décrire ce genre d’investissement.
Au Japon par contre, cette pratique est beaucoup plus courante. Guy Wagner explique cet engouement pour les vagues thématiques d’investissement au Japon par le fait que les investisseurs ont trop longtemps été déçus par l’investissement fondamental (traditionnel), se tournant donc vers du court terme en exploitant certains thèmes pendant un certain temps. Toute la difficulté consiste donc à investir au bon moment durant une période très courte.
Pokémon Go n’est ainsi qu’un épiphénomène sur les marchés. En 2003, en pleine épidémie de SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère), les investisseurs japonais s’étaient précipités sur les actions de fabricants de masques et ont délaissé les valeurs liées aux voyages. En 2008, les investisseurs avaient fait de même en investissant sur des sociétés ayant un lien avec les énergies de substitution après la flambée des prix des produits pétroliers.
Cela reflète également la complexité pour un investisseur de tirer son épingle du jeu sur des marchés fluctuants, entre la possibilité de créer très vite un bénéfice grâce à des actions dopées par l’actualité (mais également la possibilité de perdre aussi vite), et avoir une vision à plus long terme dans le but d’une rentabilité plus raisonnée et peut-être plus payante.
Jeremy Zabatta