Spécialiste de la construction des façades en aluminium, l’entreprise a déposé le bilan après avoir lutté deux ans durant pour combler un trou de plusieurs millions d’euros consécutif à l’action d’un ex-dirigeant.
Mardi après-midi, c’était la stupeur sur le parking de la société Sermelux à Kehlen. Les salariés, entourant calmement les représentants de l’OGBL et du LCGB, ont écouté les informations concernant les démarches à suivre auprès de l’Adem à la suite de l’annonce du dépôt de bilan de la société.
«C’est un choc, même si l’on savait depuis plusieurs mois que la situation était difficile», nous a affirmé un salarié. Idem pour Jean-Luc De Matteis, secrétaire central de l’OGBL, qui nuance : «Il y a quand même un écart entre une situation difficile et une faillite. Pour le moment, notre priorité est d’aider les salariés dans les démarches administratives, en attendant de pouvoir parler avec la direction afin de connaître le pourquoi du comment de ce dépôt de bilan.» Quelques minutes plus tard, la direction a accueilli la presse afin de pouvoir expliquer les tenants et les aboutissants de cette faillite.
L’histoire commence en 2015 quand Yves Kemp, directeur commercial, et Pascal Strubel, directeur technique, tous deux présents hier sur le site de Sermelux, s’aperçoivent d’incohérences dans la comptabilité de la société.
«On avait déjà quelques soupçons, car plusieurs fournisseurs avaient commencé à râler», souligne Yves Kemp. L’avocat des deux directeurs, Marc Theisen, également présent, précise : «Il a été constaté de nombreuses malversations financières et des dettes envers les impôts, la TVA et la CNS, pour un montant total d’au moins 5 millions d’euros.»
Concrètement, la société s’est retrouvée, entre autres, avec un arriéré envers l’État se chiffrant en millions d’euros. Dans la foulée, une plainte a été déposée en 2015 auprès de la justice luxembourgeoise, mais personne n’a voulu s’exprimer en ce qui concerne le nom de la (ou des) personne(s) visée(s) par cette même plainte. «Il y a une plainte en cours, donc, jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas de coupable.» Mais force est de constater que sur les quatre directeurs de la société, seuls deux sont sur les lieux hier et la direction indique qu’en 2015 un directeur a été invité à quitter la société. «Quand nous lui demandions des comptes, il affirmait que tout allait bien», soupire Yves Kemp en parlant de cet ancien directeur. Nous n’en saurons pas plus. Pour le moment.
Comptes bloqués
Par contre, il faut insister sur le combat mené depuis deux ans par la direction pour faire face à ce trou de 5 millions d’euros. En plus des «malversations» envers l’État, la société a perdu ses certificats lui ouvrant les portes des marchés publics. Une perte synonyme d’énorme manque à gagner et de baisse du carnet de commandes. «Cela n’a pas été facile, mais nous avons réussi à trouver des clients sur le marché privé et un investisseur a même été très intéressé à reprendre la société avant de se désister», glisse Pascal Strubel.
En deux ans, la société a réussi à rembourser ses dettes auprès des institutions étatiques. «Nous avons pu retrouver nos certificats en début d’année», explique Pascal Strubel. La société commence alors à retrouver le sourire après un exercice 2016 positif et un bénéfice de 2 millions d’euros.
«Malheureusement, même si nous avons fait une bonne année, en mettant les comptes des années précédentes à jour, on a vite remarqué que la situation était mauvaise», déclare Yves Kemp. Pourtant, un espoir a persisté avec l’arrivée d’un nouvel investisseur se montrant intéressé à condition d’obtenir un contrat public, ce que Sermalux a réussi à faire en décrochant un contrat en lien avec la future construction de la prison de Sanem. Sauf que la société concurrente de Sermalux dans ce dossier a fait appel de cette décision comme la loi le lui autorise, bloquant le dossier vendredi dernier.
Un épisode de trop pour l’investisseur en question, qui a jeté l’éponge. Tout comme les banques, qui après avoir soutenu Sermelux dans ses déboires, ont décidé de bloquer les comptes depuis quelques semaines. Résultat, la direction n’a eu d’autre choix que de déposer le bilan après s’être battue pendant plus de deux ans pour faire face à cet acte malveillant ayant creusé un trou de 5 millions d’euros. Un acte qui met aujourd’hui 72 personnes sur le carreau à l’approche des fêtes de fin d’année.
Jeremy Zabatta