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Face au Brexit, le patronat britannique tire la sonnette l’alarme


(Photo : AFP)

« L’alarme sonne déjà », avertit le président de la principale organisation patronale britannique devant un parterre de chefs d’entreprises qui ne cachent pas leurs inquiétudes face au Brexit.

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est de loin le principal sujet de discussions pour le millier de responsables réunis lundi pour la conférence annuelle de la CBI (Confederation of British Industry) à Londres.

Les applaudissements polis adressés aux intervenants à la tribune, dont la Première ministre Theresa May, ne masquent pas l’inquiétude quant aux risques qui pèsent sur leur activité avant le Brexit prévu fin mars 2019.

« Nous sommes des somnanbules qui allons vers une situation d’urgence nationale », causée par « une paralysie collective », s’inquiète Rod McKenzie, un responsable de l’association de transporteurs routiers représentant un parc de 80.000 poids lourds.

« Les magasins britanniques peuvent être privés de nourriture en deux jours », dit-il, envisageant des queues de camions remplis de fraises et de tomates au port britannique de Douvres en cas d’absence d’accord entre Londres et Bruxelles sur les conditions du Brexit.

Les milieux d’affaires sont inquiets malgré les assurances fournies récemment par le gouvernement quant à la négociation rapide d’une période de transition pour atténuer l’impact. Ils pressent l’exécutif d’obtenir un accord de principe sur ce sujet le plus rapidement possible avec les Européens, évoquant la sauvegarde d’investissement et d’emplois.

« Pour 10% des entreprises, l’alarme sonne déjà et elles ont commencé à déplacer des effectifs ou à ralentir le recrutement », souligne Paul Drechsler, président du CBI. « Sans un accord de transition, lors du sommet de Bruxelles en mars avec les responsables européens, 60% des entreprises auront fait de même. L’heure tourne ».

Pour M. Drechsler, le chemin vers le Brexit est un « feuilleton avec un épisode différent chaque semaine ».

Dans un entretien à l’AFP, la cheffe économiste de la CBI, Rain Newton-Smith, estime que le Brexit pèse sur l’économie mais qu' »il n’est certainement pas trop tard ».

« Il y a encore une possibilité d’avoir un accord de principe (sur la transition, ndlr) d’ici la fin de l’année », espère-t-elle.

‘Sans flair ni inspiration’

Lors de son intervention devant le patronat, Theresa May a d’ailleurs rappelé vouloir « obtenir un accord sur les détails de la transition le plus tôt posible ».

Son objectif sera par la suite de négocier un large accord commercial avec l’UE pour octobre 2018, même si le Royaume-Uni regarde aussi au-delà du continent.

Présent à Londres, le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a insisté sur la relation particulière qui lie les Etats-Unis au Royaume-Uni, évoquant un futur « accord commercial historique » entre les deux pays, souhaité par le président Trump.

Mais le chef de l’opposition travailliste, le très à gauche Jeremy Corbyn, a plutôt abondé dans le sens des milieux économiques, jugeant le temps « compté ».

Globalement, les responsables rencontrés par l’AFP dans les travées de la conférence semblent peu confiants dans la capacité du Royaume-Uni à négocier un bon accord.

« May cherche à nous conduire vers le processus du Brexit mais sans flair ni inspiration », souligne Rachel Barton, du cabinet de conseil Accenture.

Pour l’instant, l’impact du Brexit « est assez neutre », reconnaît de son côté Hamish McLeod, du groupe BSW Timber, spécialisé dans le bois, qui dépend il est vrai autant de l’Amérique Latine que du Royaume-Uni. « L’incertitude nous inquiète donc nous avons besoin d’êre rassurés tôt ou tard », dit-il.

De manière anonyme, les langues se délient davantage, comme ce dirigeant d’une grande entreprise du secteur industriel qui confie voir déjà des décisions d’investissements au Royaume-Uni retardées ou remises en question en raison du flou entourant le Brexit.

« Je ne sais pas bien ce que le gouverment cherche », renchérit un autre responsable d’une entreprise liée à l’Etat britannique, jugeant que pour beaucoup d’entreprises « le Brexit est vraiment existentiel ».

Le Quotidien / AFP