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Ex-élève modèle, le Portugal cherche à s’éviter les foudres de Bruxelles


Le Portugal, ancien élève modèle de la zone euro qui a desserré l’étau de l’austérité depuis l’arrivée au pouvoir de la gauche, cherche à s’éviter à tout prix les foudres de la Commission européenne, très critique envers ses dérapages budgétaires.

Cible potentielle de sanctions pour déficit excessif, tout comme Madrid, Lisbonne a multiplié les appels à la clémence en direction des fonctionnaires de Bruxelles qui doivent rendre leur verdict mercredi.

« Il n’est pas juste d’appliquer au Portugal la moindre sanction, après tout ce que les Portugais ont enduré ces quatre dernières années », a plaidé ainsi le Premier ministre socialiste Antonio Costa. « Nous allons tenir nos objectifs », a-t-il réitéré samedi soir.

Fait inhabituel, son prédécesseur de centre droit, Pedro Passos Coelho, est sur la même longueur d’onde, d’autant que c’est lui qui était à la tête du gouvernement pratiquement jusqu’à la fin 2015, année qui s’est soldée par un déficit public de 4,4% du PIB, supérieur à la limite de 3% autorisée par Bruxelles.

Issu de la même famille politique que Jean-Claude Juncker, M. Passos Coelho a fait savoir au président de la Commission européenne qu' »il n’y a pas de raison de sanctionner le Portugal », arguant que le dérapage était dû au coût imprévu du sauvetage en décembre de la banque Banif.

Arme inédite

Si la Commission juge insuffisants les efforts d’assainissement budgétaire du Portugal ou de l’Espagne, elle pourrait envisager des amendes allant jusqu’à 0,2% du PIB, une arme encore jamais utilisée et à laquelle la France et l’Italie ont échappé à plusieurs reprises.

Une telle sanction frapperait le Portugal au moment où son économie donne des signes de faiblesse, avec une maigre croissance de 0,1% au premier trimestre, due notamment au ralentissement de ses exportations vers l’Angola et la Chine.

Cette contre-performance éloigne la perspective de voir le gouvernement atteindre son objectif ambitieux d’une croissance de 1,8% en 2016, et contrarie, par ricochet, son pari de réduire le déficit à 2,2% du PIB.

« L’objectif de déficit est irréaliste, car l’économie est au ralenti, la dépense publique augmente et l’investissement ne décolle pas », commente à l’AFP Pedro Lino, gérant de la maison de courtage Dif Broker.

Arrivé au pouvoir fin novembre 2015 grâce à une alliance avec la gauche radicale, Antonio Costa a commencé à détricoter une série de mesures de rigueur mises en place par la droite après l’appel du pays à une aide financière internationale en 2011.

Hausse du salaire minimum, retour aux 35 heures programmé pour la fonction publique, fin des surtaxes sur les revenus ou encore annulation de privatisations dans les transports ont été autant de mesures accueillies avec le plus grand scepticisme par Bruxelles.

« Choix politique »

Sous la pression de la Commission européenne, Lisbonne a dû corriger à plusieurs reprises les chiffres de son budget 2016. Bruxelles a fini par l’approuver, mais a réclamé des mesures d’austérité supplémentaires.

Les Portugais eux-mêmes n’y croient pas: selon un sondage de l’institut Eurosondagem publié samedi, près de 58% d’entre eux ne font pas confiance aux comptes du gouvernement et 53% s’attendent à un douloureux « plan B », malgré les dénégations d’Antonio Costa.

Si les analystes au Portugal sont unanimes à juger peu crédibles les objectifs gouvernementaux, ils ont cependant du mal à croire que Bruxelles passe à l’acte et inflige une amende à Lisbonne.

« Ce serait un choix politique qui n’aurait pas de sens dans le contexte actuel, car les comptes du Portugal se sont améliorés », fait valoir Paula Carvalho, économiste de la banque BPI qui prévoit tout au plus « un avertissement, sans impact financier ».

Et le professeur d’économie Joao Cesar das Neves jugerait un tel geste « surprenant », car « une sanction signifierait que Bruxelles ne croit déjà plus au gouvernement en place et que finalement, le Portugal, c’est comme la Grèce ».

Le Quotidien / AFP