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Eurogroupe : Nadia Calviño, une adversaire de poids pour Gramegna ?


Le match à 3 qui se dessine entre Pierre Gramegna, Nadia Calviño et Paschal Donohoe ne fait, semble-t-il, que commencer... (Photo : AFP)

Candidate espagnole à la présidence de l’Eurogroupe, la ministre de l’Économie Nadia Calviño est une ancienne haute fonctionnaire européenne au profil très technique, qui fait figure de modérée aux accents libéraux au sein du gouvernement de coalition de gauche. Une sérieuse concurrente pour le Luxembourgeois Pierre Gramegna et l’Irlandais Paschal Donohoe ?

Les prétendants à la succession du Portugais Mario Centeno au poste de chef de l’Eurogroupe ont jusqu’à ce jeudi pour déposer leur candidature. La décision, elle, doit ensuite être prise le 9 juillet.

« Ce serait un honneur pour le gouvernement espagnol (…) que Nadia Calviño assume la présidence de l’Eurogroupe, un organe clé pour la coopération et la reconstruction d’une Europe plus forte et unie. Pour la première fois, l’Espagne et une femme dirigeraient cette institution », a souligné Pedro Sanchez sur Twitter.

Avec cette candidature, Nadia Calviño veut « continuer à travailler pour une zone euro forte et prospère pour le bénéfice des citoyens européens », a-t-elle déclaré sur Twitter. En juin 2018, le quotidien conservateur El Mundo qualifiait l’entrée au gouvernement de Nadia Calviño, 51 ans, de « l’un des recrutements les plus applaudis » du dirigeant socialiste. Sans expérience politique, Nadia Calviño, alors directrice du budget de la Commission européenne, avait quitté Bruxelles où elle travaillait depuis douze ans. Le choix de ce profil technocratique visait à séduire l’Union européenne et les marchés.

Un pari réussi. L’ex-chef de la diplomatie européenne Javier Solana l’a qualifiée de femme pleine « d’énergie » et de « sérieux », et le directeur de cabinet de l’ancien commissaire à l’Économie Pierre Moscovici, Olivier Bailly, de « ferme avocate du projet européen ». Cette experte parlant anglais, français et allemand est « une garantie que l’Espagne continuera à augmenter son poids dans les institutions européennes », avait aussi estimé la puissante PDG de la banque espagnole Santander, Ana Botin. Souriante et posée lors de ses interventions au ton toujours mesuré, Mme Calviño a fait ses armes bruxelloises à partir de 2006 à la direction générale de la concurrence puis à celle du marché intérieur de la Commission européenne, à chaque fois sous des présidents conservateurs, José Manuel Barroso puis Jean-Claude Juncker.

Qualifiée de « sociale-libérale » et « politiquement neutre » par le quotidien El Pais, elle avait auparavant travaillé à des postes techniques au ministère espagnol de l’Économie, sous les gouvernements du socialiste José Luis Rodriguez Zapatero comme du conservateur José Maria Aznar. Avec cette native de La Corogne (nord-ouest), qui a grandi à Madrid et est diplômée en économie et en droit, Pedro Sanchez avait aussi voulu envoyer un signal de stabilité alors que son premier gouvernement avait été investi en 2018 par une majorité fragile et hétéroclite.

Un profil technique européen et peu politique

Lors de la formation d’un nouveau gouvernement début 2020, de nouveau minoritaire et en coalition avec la gauche radicale de Podemos, le socialiste a promu Nadia Calviño vice-présidente en charge des questions économiques. Dans cet exécutif, elle fait figure d’élément modérateur, garant de l’orthodoxie budgétaire face aux ministres de gauche radicale. Elle s’est notamment montrée réticente à l’abrogation de la loi sur le marché du travail de 2012 réclamée par Podemos qui dénonce la précarisation engendrée par cette réforme des conservateurs.

« Ses critiques disent d’elle qu’elle cède peu dans les négociations », affirmait El Mundo en 2018, la décrivant par ailleurs « très travailleuse, perfectionniste », « de caractère cordial mais ferme ». Son profil technique européen et peu politique rappelle ceux de ses prédécesseurs, l’éphémère Roman Escolano – resté trois mois en poste – et Luis de Guindos (décembre 2011-mars 2018), artisan de la cure d’austérité du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.

Fille de l’avocat José Maria Calviño Iglesias, directeur de la radio-télévision publique au début des années 1980, elle avait d’ailleurs travaillé, à la fin des années 1990, pour Luis de Guindos, désormais vice-président de la Banque centrale européenne (BCE), avant qu’il n’entre en politique. Grande amatrice de broches en forme d’animaux assorties avec soin à ses tenues, Nadia Calviño est mariée et mère de quatre enfants.

LQ/AFP