Accueil | Economie | Esther Duflo, Nobel d’économie, contre l’annulation de la dette

Esther Duflo, Nobel d’économie, contre l’annulation de la dette


"La raison pour laquelle les taux d'intérêt sont à zéro, c'est parce que le marché financier est absolument persuadé que cette dette sera remboursée", a fait valoir l'économiste. (illustration AFP)

L’économiste franco-américaine Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, s’est déclarée lundi opposée à l’annulation de la dette de la Banque centrale européenne qui ferait flamber les taux d’intérêt, mais a prôné le rétablissement d’une « fiscalité progressive » pour la rembourser le moment venu.

Annuler la dette ne générerait « aucun gain puisque de toute façon la dette ne coûte rien pour l’instant, on a tout le temps qu’il faut pour la rembourser et ça peut être fait par une fiscalité adaptée », « sans limiter les dépenses », a déclaré la professeure au Massachusetts Institute of Technology sur la radio publique France Inter.

Esther Duflo, qui est cette année professeure invitée à la Paris School of Economics, prend ainsi le contre-pied de l’appel lancé par plusieurs économistes, dont son collègue Thomas Piketty de la PSE, à un abandon par la BCE des titres de dette publique européenne qu’elle détient.

« La raison pour laquelle les taux d’intérêt sont à zéro, c’est parce que le marché financier est absolument persuadé que cette dette sera remboursée », a fait valoir l’économiste, citant l’exemple de l’Espagne ou de la Grèce pendant la crise de la zone euro qui « lorsqu’elles empruntaient en leur propre nom faisaient face à des taux énormes car les investisseurs avaient peur que cette dette ne soit pas remboursée ».

Une réponse aussi aux inégalités

Pour Esther Duflo, ce débat a d’autant moins lieu d’être qu’il n’y a « aucune pression à court terme » pour rembourser cette dette vu le niveau des taux qui rend le service de la dette indolore. En revanche, « dès que les économies seront reparties sur leur rythme de croisière », il faudra revenir à « des budgets plus équilibrés » et ce sera « l’occasion de repenser à une fiscalité qui soit progressive à l’intérieur des pays et idéalement concertée entre les pays pour permettre justement cette fiscalité progressive », a-t-elle fait valoir.

« Plus de progressivité, c’est une réponse à comment rembourser la dette » mais aussi à l’accroissement des inégalités de revenus, a-t-elle ajouté, rejoignant sur ce sujet Thomas Piketty.

Preuve que cela n’a rien d’utopique, « dans l’Amérique d’Eisenhower (qui présida les États-Unis de 1953 à 1961, NDLR), les taux d’imposition sur les revenus les plus importants étaient de 95-96% » a-t-elle souligné.

LQ/AFP

 

Newsletter du Quotidien

Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez tous les jours notre sélection de l'actualité.

En cliquant sur "Je m'inscris" vous acceptez de recevoir les newsletters du Quotidien ainsi que les conditions d'utilisation et la politique de protection des données personnelles conformément au RGPD.