Comment amortir l’impact social de la flambée des prix de l’énergie ? Bruxelles dévoile mercredi un arsenal de mesures temporaires où pourront puiser les Vingt-Sept, et des pistes de réforme, mais refuse de sacrifier ses ambitions environnementales.
Alors que le cours du gaz s’est envolé à des records historiques, tirant les prix de l’électricité et menaçant de faire dérailler la reprise économique, la Commission européenne a présenté des « outils » pour alléger les factures des consommateurs les plus vulnérables.
Bruxelles incite les États à baisser les lourdes taxes sur l’énergie – y compris la TVA – et à soutenir les ménages via des bons d’achat ou reports de factures. « Cela peut paraître un lourd fardeau pour des États se remettant à peine de la pandémie », mais ils peuvent puiser dans les recettes du marché du carbone, où les fournisseurs d’énergie achètent des « droits à polluer », a expliqué devant la presse la commissaire à l’Énergie Kadri Simson.
Selon la Commission, la forte hausse du cours du CO2 a permis aux États d’engranger au total 26,3 milliards d’euros de recettes sur les neuf premiers mois de 2021, soit quelque 10 milliards supplémentaires sur un an, qu’ils peuvent donc redistribuer aux plus démunis.
Pour autant, ces mesures temporaires doivent être « bien ciblées », « facilement ajustables » dès que la situation s’améliorera, et « éviter d’interférer avec les dynamiques du marché de l’électricité », avertit la Commission. Surtout, elles ne doivent pas fragiliser le « Pacte vert » européen et les soutiens aux renouvelables, a insisté Kadri Simson.
L’Europe subit de plein fouet la crise énergétique avec d’un côté, la reprise économique mondiale qui crée une forte demande ces derniers mois et de l’autre une série de problèmes pèse sur l’offre, certains pays ayant vu leur production baisser à cause de retards de maintenance dus à la pandémie ou d’infrastructures vieillissantes.
Stocks de gaz
Bruxelles était sous la pression de certains États pour présenter des pistes de réformes plus ambitieuses, destinées à être examinées au sommet européen des 21-22 octobre. Paris souhaite réviser les règles du marché commun de l’électricité, où le prix global est déterminé par les cours des énergies fossiles. Madrid propose des « achats groupés » de gaz et Athènes un « fonds transitoire » absorbant les hausses de cours. Mais d’autres pays – Allemagne, Pays-Bas ou Luxembourg – mettaient en garde contre des « mesures extrêmes » et toute réforme du marché face à une situation jugée temporaire.
« Il faut regarder la possibilité de découpler les prix de l’électricité et ceux du gaz, car nous avons des énergies moins chères, par exemple les renouvelables », avait reconnu début octobre la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Mais la Commission s’est montrée très prudente mercredi, ne réclamant qu’ « une analyse approfondie » des « avantages et défauts » du système actuel par les régulateurs européens, et promettant une surveillance accrue pour contrer la spéculation. « Nous n’avons aucune tolérance pour les manipulations de marchés », a déclaré Kadri Simson.
L’exécutif européen a en revanche proposé des pistes pour renforcer les réserves européennes de gaz et vérifier que leur usage est « optimal », alors que tous les États ne disposent pas d’installations de stockage et que les obligations de remplissage varient beaucoup. Si, dans l’immédiat, les stocks sont jugés « tendus » mais « adéquats pour couvrir les besoins hivernaux », Bruxelles veut renforcer les solidarités entre États, et planchera sur un système « volontaire » d’approvisionnement conjoint de stocks européens, embryon d’une « réserve stratégique » réclamée par l’Espagne.
Atome contre renouvelables
La crise des prix gaziers a relancé le débat sur le nucléaire, énergie décarbonée dont Paris vante les mérites mais décriée par plusieurs États, Allemagne en tête, alors que Bruxelles doit décider prochainement d’inclure ou non l’atome civil dans sa liste des investissements « verts ». Certains, comme le dirigeant souverainiste hongrois Viktor Orban, ont aussi imputé la flambée des prix au « Pacte vert » européen et au marché du CO2.
Un discours réfuté par la Commission, inquiète que la crise ne mette en péril ses ambitions de réductions de 55% d’ici 2030 de ses émissions carbone, qui passent notamment par le renchérissement progressif des énergies fossiles. « Seulement 1/5e de la hausse des prix actuels peut être attribué au renchérissement du marché carbone, le reste vient des pénuries d’offre », avait affirmé Frans Timmermans, vice-président de la Commission, appelant à accélérer encore la transition vers les renouvelables.
Une façon de réduire à long terme la dépendance européenne au gaz, selon Kadri Simson, qui appelle les Vingt-Sept à accélérer les appels d’offre et autorisations pour les infrastructures de renouvelables.
LQ/AFP