La Banque centrale européenne a démarré hier son programme de rachats de dettes publiques, qui doit injecter 1140 milliards d’euros d’ici un an dans la zone euro.
« La BCE et les banques centrales de l’Eurosystème ont commencé, comme précédemment annoncé, à mener des rachats dans le cadre du programme de rachat de dettes du secteur public », a indiqué dans la matinée la BCE sur le réseau social Twitter.
Ce plan de soutien à l’Union monétaire s’élèvera à 60 milliards d’euros par mois jusqu’à septembre 2016 au moins, soit a minima 1 140 milliards d’euros, investis principalement dans des obligations souveraines.
L’objectif de cette opération dite de « Quantitative easing » (QE) est de créer un cercle vertueux pour l’économie : sous l’effet d’une forte demande, les taux d’intérêt des obligations vont baisser, poussant les banques à placer leur argent ailleurs, notamment à prêter aux entreprises et aux consommateurs. Au bout de la chaîne, cela est censé relancer l’activité économique et faire remonter les prix alors que la déflation menace.
Changement historique de la politique de la BCE
L’assouplissement quantitatif pèse aussi sur la valeur de la monnaie. Les placements dans la zone euro sont moins intéressants pour des investisseurs d’autres régions, et l’argent sort de l’union monétaire, ce qui fait baisser l’euro. Cela profite aux entreprises européennes exportatrices et à l’inverse les importations coûtent plus cher, ce qui peut permettre de faire remonter les prix.
Ce programme a « déjà des conséquences » sur l’économie réelle ainsi que sur l’euro et « cela va continuer », confirme Frédérik Ducrozet, un économiste de Crédit Agricole CIB, arguant que « les taux pratiqués par les banques aux entreprises et aux ménages ne font que baisser ».
« La sphère politique ne doit pas fléchir » après le lancement de ce plan, a toutefois tenu à souligner hier le secrétaire d’État allemand aux Finances, Steffen Kampeter. Les gouvernements européens doivent « se concentrer sur les moyens de stimuler la croissance, les réformes du marché du travail, la consolidation des budgets », a-t-il assuré.
Pour les marchés, l’opération marque un changement historique de la politique monétaire de la BCE. Les banques centrales nationales – Bundesbank, Banque de France et autres – seront les principales exécutantes : elles effectueront 92 % des achats.
L’Allemagne principal bénéficiaire
Depuis l’automne dernier, les banques centrales rachètent déjà de la dette privée, à savoir des obligations sécurisées et les ABS, des titres adossés à des crédits. Mais, depuis hier, ce sont les titres de dette émis par les États de la zone euro qui sont concernés par des rachats massifs.
Les effets du programme se font sentir par anticipation depuis plusieurs semaines sur les taux d’emprunt des États. Ces taux, qui évoluent en sens inverse de la demande, ont récemment été propulsés à des plus bas historiques, certains devenant même négatifs sur les échéances les plus courtes, ce qui signifie que les investisseurs sont prêts à payer pour détenir ces titres jugés très sûrs. « L’Allemagne est de loin le principal bénéficiaire » de ce programme, affirme René Defossez, un stratégiste de Natixis. Le rendement à 10 ans de la dette allemande reculait à 0,343 % hier matin, après avoir terminé à 0,393 % vendredi, tandis que ses taux d’emprunt étaient négatifs jusqu’à 6 ans inclus.
De leur côté, les marchés actions se sont appuyés sur les annonces de la BCE pour grimper, la Bourse de Paris ayant notamment connu une ascension fulgurante depuis le début de l’année, frôlant les 5 000 points.
Le Quotidien (avec AFP)