Plus de 50 000 utilisateurs belges, italiens, espagnols et portugais de Facebook avaient rejoint vendredi le recours collectif lancé en début de semaine contre le réseau social dans leurs pays.
En mars dernier, un ancien responsable de Cambridge Analytica avait révélé comment sa société avait collecté et exploité à leur insu les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de Facebook dans le monde pour la campagne électorale de Donald Trump en 2016. Ce pillage en bonne et due forme s’était fait à la connaissance du réseau social.
Au Luxembourg, les données de 2 642 comptes d’utilisateurs ont ainsi été revendues par Facebook à des fins politiques, selon les propres aveux du réseau social. En Belgique, ce nombre grimpe à 61 000, mais pour l’association de défense des droits des consommateurs Tests-Achats, le scandale Cambridge Analytica « n’est vraisemblablement que la partie émergée de l’iceberg ».
Des utilisateurs trop mal informés
Lundi, l’organisation belge a lancé publiquement une action collective contre Facebook, sur le modèle de la «class action» américaine. Elle ne s’adresse pas aux seules victimes de Cambridge Analytica mais à l’ensemble des utilisateurs de Facebook. Elle réclame 200 euros minimum par usager à titre de dommage.
«À tout moment, les consommateurs doivent être maîtres de leurs données, savoir à quelles fins elles sont utilisées et recevoir un juste retour de la valeur créée par les entreprises qui les utilisent», argumente Tests-Achats dans un texte de présentation de l’initiative. «Le modèle économique du réseau social repose entièrement sur le partage et l’utilisation de données sans que les utilisateurs n’en soient correctement informés et sans leur consentement explicite à cette fin», insiste l’association.
Pas de recours collective au Luxembourg
Vendredi, quelque 21 000 utilisateurs belges avaient déjà rejoint l’initiative qui ne s’arrête cependant pas aux frontières du Royaume. Les organisations sœurs de Tests-Achats de quatre pays se sont jointes au recours collectif qui prend dès lors une dimension européenne : Altroconsumo en Italie (10 000 personnes inscrites vendredi), OCU en Espagne (16 700 personnes) et Deco au Portugal (3 200 personnes).
Vendredi, plus de 50 000 personnes avaient ainsi manifesté leur volonté de réclamer des dommages au géant américain des réseaux sociaux.
« Chaque organisation poursuit devant sa propre juridiction nationale », explique au Quotidien Jean-Philippe Gakwaya, juriste chez Tests-Achats. « Dans un premier temps, en Belgique, il faudra que la plainte soit déclarée recevable par les juges. »
Avec la Suède, la Belgique, l’Italie, l’Espagne et le Portugal sont les seuls Etats membres de l’UE à autoriser les recours collectifs. En avril, la Commission européenne a présenté un projet de directive visant à élargir ces procédures à l’ensemble des pays de l’Union.
Une telle initiative est donc pour l’heure inenvisageable au Luxembourg , mais « les choses bougent et cela fait partie de nos revendications», rappelle Aline Rosenbaum, juriste et responsable du service contentieux à l’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC). «Aucune réclamation et aucune question ne nous est parvenue après la révélation du scandale Cambridge Analytica», poursuit la juriste, qui indique que l’ULC est très rarement interpellée sur le sujet des données personnelles.
Plaintes transmises à l’Irlande
« Seules trois personnes nous ont contactés ces dernières semaines au sujet du RGPD, le nouveau règlement européen sur la protection des données. Les gens s’adressent probablement davantage à la Commission nationale pour la protection des données, la CNPD, quand ils rencontrent des problèmes ou ont des questions à poser.»
Quant aux abus liés au commerce en ligne, «nous travaillons de façon complémentaire avec le Centre européen des consommateurs, compétent sur les questions transnationales, sachant que très peu de plateformes de vente en ligne exercent au Luxembourg», explique encore Aline Rosenbaum.
Interrogée sur d’éventuelles plaintes déposées contre Facebook au Luxembourg dans le cadre du scandale Cambridge Analytica, la CNPD n’avait pas donné suite, vendredi, aux questions du Quotidien. En mars dernier, l’établissement public avait cependant reconnu qu’il ne pourrait agir au Luxembourg et qu’il serait contraint de transmettre d’éventuelles plaintes à la justice irlandaise, le siège européen de Facebook étant domicilié à Dublin.
Fabien Grasser