Avec la mise en examen mardi de Fiat-Chrysler, cinq constructeurs automobiles sont désormais poursuivis en France dans le scandale du « Dieselgate » portant sur des soupçons de fraude aux contrôles antipollution de véhicules diesel, ouvrant la voie à un éventuel procès et à une possible indemnisation des automobilistes.
Volkswagen a été le premier à être mis en examen dans cette affaire le 6 mai, pour « tromperie sur les qualités substantielles d’une marchandise entraînant un danger pour la santé de l’homme ou de l’animal ». Ont suivi, pour les mêmes infractions, Renault, Peugeot et Citroën en juin, puis Fiat-Chrysler mardi.
Le constructeur italo-américain, qui appartient au groupe Stellantis, a en outre été placé sous le statut de témoin assisté pour « entrave » à l’enquête, a indiqué son avocat, Me Alexis Gublin. Placé sous contrôle judiciaire, le groupe est astreint à verser un cautionnement de 150 000 euros et constituer une garantie bancaire de 200 000 euros, a-t-il précisé. Ces éléments ont été confirmés à l’AFP par une source judiciaire. Les cinq constructeurs sont accusés d’avoir équipé des véhicules diesel avec un logiciel capable de dissimuler des émissions polluantes lors des tests d’homologation. Une fois en circulation, les émissions polluantes pouvaient dépasser jusqu’à 40 fois les normes autorisées.
Après la révélation aux États-Unis en 2015 de ce scandale appelé « Dieselgate », plusieurs informations judiciaires ont été ouvertes à Paris à partir de 2016. La Répression des fraudes (DGCCRF) évoquait dans un rapport en 2017 une « stratégie globale visant à fabriquer des moteurs frauduleux, puis à les commercialiser ». Pour Fiat-Chrysler, la DGCCRF note que « le fonctionnement de certains organes de dépollution du moteur est modifié afin que les émissions de NOx (oxydes d’azote) soient en dessous du seuil règlementaire ». « Sans cette stratégie (…) les véhicules concernés n’auraient donc pas pu être homologués », souligne le gendarme de Bercy, estimant que « les pratiques » du groupe « ont trompé les consommateurs ».
L’élaboration d’un tel logiciel, « complexe », implique « une chaîne hiérarchique de validation et (nécessite) une coordination entre plusieurs services », selon lui. « FCA Italie conteste les faits qui lui sont reprochés et croit fermement que les véhicules en cause étaient conformes à la réglementation en vigueur et s’emploiera à le démontrer », a réagi Me Gublin. Le groupe « a désormais la possibilité de présenter une défense précise et exhaustive contre des soupçons qu’elle n’a pas eus jusqu’à présent la possibilité de contester dans le cadre d’une procédure contradictoire », a-t-il ajouté. Les quatre autres constructeurs réfutent également ces accusations.
Indemnisation des automobilistes
Ces poursuites ouvrent la voie à un éventuel procès, avec un risque d’amendes de plusieurs milliards d’euros pour les constructeurs. Dans son rapport, la DGGCRF évoquait, concernant Fiat-Chrysler, une « amende maximale » de 9,6 milliards d’euros. Les propriétaires de véhicules, dont la valeur a chuté après la révélation du scandale, pourraient alors réclamer une indemnisation.
« Ces mises en examen confirment les faits graves constatés dès 2015 », estime Me François Lafforgue, avocat des associations Écologie sans frontière et Respire, ainsi que d’une centaine d’automobilistes. Il espère que « toute la lumière soit faite, que les responsabilités soient dégagées et que les propriétaires de véhicules victimes de cette tromperie puissent voir ce dossier déboucher sur une audience devant le tribunal correctionnel ». « On attend que l’instruction soit la plus courte possible et que l’on puisse avoir un procès permettant à tous les consommateurs de solliciter la réparation de leur préjudice », a abondé Me Charles Constantin-Vallet, conseil notamment de l’association de consommateurs CLCV.
L’organisation d’un éventuel procès avec potentiellement des centaines de milliers d’automobilistes parties civiles nécessiterait toutefois la mise en place d’une logistique inédite, jugée « insurmontable » par un acteur du dossier. Les juges d’instruction et le parquet pourraient alors notamment envisager de poursuivre les constructeurs dans le cadre d’une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), qui leur permettrait d’accepter une condamnation et une amende, sans passer par un procès. L’hypothèse d’une telle issue, qui devrait toutefois prendre en compte l’indemnisation des propriétaires, est déjà évoquée, affirment plusieurs acteurs du dossier.
Mais elle nécessiterait une évolution législative préalable, la CJIP n’étant à ce jour permise que pour les entreprises accusées notamment de « corruption », « trafic d’influence » ou de « blanchiment », et non pour l’infraction de « tromperie » au cœur de ce dossier.
AFP/LQ